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27 June 2017


Dans cette nouvelle série sur Main Opposée, nous partons à la recherche du Saint-Graal. Celui qui transcende l’homme, qui abasourdit le spectateur et fait frissonner le portier. Vous l’aurez compris, nous cherchons l’arrêt parfait. Une quête présomptueuse, mais une quête que nous poursuivrons sans relâche, car elle mène à notre paradis. Si l’homme cherche un sens à son existence, nous chercherons ici plus encore. Nous cherchons le surhumain, le divin, celui qui nous fera même croire aux beautés de l’enfer et aux horreurs du paradis. Une quête impossible sûrement, mais nous, portiers, domptons l’impossible. Et qui d’autre qu’un portier pour incarner la perfection que nous cherchons tous à atteindre ?

Le poste de portiers comporte bien des facettes intéressantes. Nous parlions la dernière fois de cet amour de la beauté, mais nous pourrions évoquer – nous le ferons dans les prochains épisodes – la technique, le mental ou encore l’aptitude physique. Or, il existe une facette de notre poste qui le rend encore plus spécial. Un facteur qui décide parfois des plus grandes destinées, et qui est pour autant incontrôlable. Car dans notre métier, notre principale obsession est celle du contrôle, comme si nous devions nous assurer de tout, que tous les éléments soient au point pour que la machine que l’on veut devenir fonctionne à souhait.  À contrario, le hasard est omniprésent dans notre poste, et il oscille entre ennemi mortel et allié salvateur. Ce hasard s’exprime par à-coups tranquilles et maîtrisés. La douce violence du poteau rentrant, la violente douceur du poteau sortant. Décidemment, ce hasard est une menace à notre absolue envie de maîtrise.

De l’incongrue perfection du hasard

Mais comme dit précédemment, le hasard est par définition aléatoire. Dans ce monde partial et divisé, il règne en essence insaisissable et omniprésente. Un tel caractère, il amène le chaos. Le chaos, c’est justement ce qui ressort de cet arrêt de Lloris. À voir, il est incroyable. À s’imaginer, il est impensable. Un bon exercice est justement d’essayer de reconstituer cet arrêt. Il en ressort une zone d’ombre, sorte d’incompréhension totale, tant Lloris subjugue le spectateur. La scène elle-même est des plus irréalistes, comme peinte par Salvador Dali puis narrée par Zola. Un ballon en retrait qui surgit, et voilà le portier désorienté. Ce genre de ballons est le cauchemar de tout gardien, car il nous impose une situation de proximité avec le ballon, mais nous enlève également toute importance, puisque le portier est alors impuissant face à la rapidité du ballon. À contrario, le portier est alors d’une lenteur gênante. Nous qui nous rêvions guépards, nous devenons limaces.

Mille fois, cette même action se serait dénouée par un but. Le portier alors meurtri retire la balle de son corps blessé, et le regard sombre, souffre. Mais cette fois-ci, la chance en décide autrement. Lloris ne s’abandonne pas à l’amertume, et tente tant bien que mal de stopper le tir arrivant. Comme par miracle, le ballon arrive assez près de lui. Une goutte d’eau dans le désert, tant la situation est désespérée. Le portier plonge alors en arrière, au niveau de la ligne de but. Physiquement, il ne peut réussir à l’éloigner de cette maudite limite qui nous sépare de la mort. Le ballon suicidaire semble vouloir mourir coute que coute, animé par les idées diaboliques de l’attaquant. Mais Lloris en décide alors autrement. Lorsqu’il attrape ce ballon, il parvient alors à l’arrêter. Puis, d’une roulade digne des plus grands films d’action, il esquive le but en ramenant le ballon le plus loin possible de ses pieds. Nous parlions tout à l’heure de chance et de hasard, mais le mérite de Lloris est justement celui de provoquer ces deux derniers. La réussite est là, mais c’est le portier qui l’a amenée. Cet arrêt, c’est celui d’un homme qui saisit l’insaisissable, s’en empare comme il s’empare du ballon qui se dirigeait vers le but.

Mais c’est aussi celui de la perfection du hasard. Ce hasard qui nous subjugue par sa cruauté parfois – qui n’a jamais réalisé un superbe arrêt pour voir ensuite l’attaquant reprendre et marquer dans le but vide ? – mais qui aujourd’hui nous bénit de son divin miracle. Étrangement, cet arrêt reste après plusieurs visionnages justement insaisissable, puisque seule la Goal Line Technology nous assure du fait que la balle n’ait pas franchie totalement la ligne. Son essence parfaite est elle-même assez incompréhensible, mais elle est certainement des plus évidentes. Nous humains, imparfaits, pouvons-nous réellement comprendre la perfection quand elle se présente à nous ?

Crédit photo : The New Indian Express

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