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26 February 2022


Bien que de nombreux entraîneurs pratiquent le “turn-over” en coupe pour concerner tous leurs portiers face aux nombreux objectifs qui jonchent une saison, il n’est pas pour autant courant pour un gardien considéré n°2 dans la hiérarchie de jouer à la place de son homologue titulaire à l’occasion d’une finale de coupe, et encore moins si ce dernier est l’un des meilleurs à son poste. C’est pourtant ce que vivra Caoimhin Kelleher, 23 ans, qui jouera à la place d’Alisson Becker lors de la finale de la Carabao Cup en ce 27 février. Un événement extraordinaire qui montre la confiance que lui accorde son entraîneur et reflète ses excellentes performances en coupe cette saison. Qui est-il ? Comment joue-t-il ? Retour sur le profil et les performances de ce jeune gardien irlandais qui compte bien jouer un dernier tour, aux Blues de Chelsea cette fois-ci.

“Un gardien incroyable !”

En se défaisant des Gunners d’Arsenal 2-0 sur le score cumulé des deux matchs, les Reds accèdent à la finale de cette édition 2021-2022 de la Carabao Cup.

Il s’agit là d’un petit événement puisque Liverpool n’a plus joué de finale de coupe domestique depuis 2016 et sa finale de Carabao Cup perdue aux tirs aux buts contre Manchester City, un trophée qui manque cruellement à Liverpool qui n’a remporté aucune coupe domestique sous Klopp malgré trois finales disputées.

Au-delà de l’enjeu inhérent à une finale, Jürgen Klopp se sentira particulièrement impliqué puisque, malgré tout l’amour que lui vouent les supporters des Reds, ces derniers sont parfois frustrés du manque d’importance que l’entraîneur allemand semble donner à ces coupes domestiques.

En effet, dans l’optique de reposer ses cadres pour le championnat et les compétitions européennes, “The normal One” a toujours préféré faire jouer ses remplaçants et n’a jamais hésité à aller piocher dans les équipes de jeunes. L’exemple le plus frappant cette saison ? Le quart de finale face aux Foxes de Leicester, match pour lequel 5 joueurs des équipes de jeunes ont fait leur apparition (Koumetio, Bradley, Morton, Williams, Beck). Toutefois, cette rotation extrême nous a permis de découvrir les très talentueux Tyler Morton (19 ans) et Kaide Gordon (17 ans) qui ont même eu le luxe de gagner quelques minutes en Premier League et en Ligue des Champions.

Trajectoire similaire pour Caoimhin Kelleher qui, après d’excellentes performances en coupe cette saison, a gagné la confiance de son entraîneur, ce dernier confirmant qu’il serait bien titulaire pour cette finale à la place de l’immense Alisson Becker : « Nous considérons Caoimhin comme un gardien incroyable, pas un bon gardien, un gardien incroyable. […] Seules les performances comptent, s’il n’avait pas si bien joué, les choses auraient été différentes. Mais il a montré qu’il mérite la confiance et la foi qu’on lui accorde. Je ne vois pas pourquoi il ne jouerait pas cette finale, il le mérite, il a amené l’équipe en finale ». C’est donc l’occasion de (re)découvrir le profil de Caoimhin Kelleher, son parcours, ses performances ainsi que son jeu.

Qui es-tu Caoimhin ?  

C’est dans la ville de Cork, dans le Sud de l’Irlande que naît Caoimhin (prononcé « Kwivine ») Kelleher. Il y fera ses premiers pas sur un terrain de football, non pas en tant que gardien de but mais à l’opposé de la feuille de match, en attaque. Malgré sa réputation prolifique, il s’installe définitivement dans les cages à l’âge de 14 ans et, trois ans plus tard, intègre l’académie de Liverpool.

Au fur et à mesure de sa formation, son immense potentiel se dessine et, à peine deux ans après son arrivée, il est encensé par Jürgen Klopp qui voit en lui un futur grand gardien. L’entraîneur allemand évoquera alors le jeune irlandais comme la raison qui a poussé Liverpool à ne pas recruter le mythique Joe Hart lors de l’été 2020.

Un potentiel également remarqué sur la scène internationale puisque Kelleher s’impose comme titulaire dans toutes les catégories de jeunes de la sélection irlandaise.

(source : The42)
(source : The42)

Ayant participé aux tournois de présaison en 2018 et 2019, Kelleher fait alors partie intégrante du groupe professionnel de gardiens. Il reste cependant 3ème dans la hiérarchie, derrière Alisson Becker et Adrian San Miguel. Durant cette période, le natif de Cork doit se contenter de quelques convocations sur le banc, notamment lors de la finale de la Ligue des Champions et de la Supercoupe d’Europe en 2019, ses deux premiers trophées, et non des moindres.

Il fait toutefois ses débuts dans les cages quelques mois plus tard en Carabao Cup face à MK Dons. Il passe alors progressivement devant Adrian dans la hiérarchie des gardiens et dispute tous les matchs de coupe lors de la saison 2020. Il entre définitivement dans la cour des grands suite à ses débuts en Ligue des Champions lors de la victoire face à l’Ajax en décembre 2020, rencontre durant laquelle il conserve sa cage inviolée. Chose plutôt rare, Kelleher jouera un match de Ligue des Champions avant-même d’avoir disputé un match de championnat puisqu’il ne fera sa première apparition en Premier League qu’en février 2021 suite à la blessure d’Alisson.

C’est dans ce contexte que nous arrivons à la saison 2021/2022 durant laquelle Kelleher impose une compétition féroce au sein de la cellule gardiens des liverpuldiens. Toutefois, le statut de quasiment intouchable d’Alisson qui, lui aussi, est auteur de performances remarquables, ne laisse à l’irlandais que les matchs de coupe nationales.

Il en faut peu pour être heureux  

Nous voici à la mi-saison et Kelleher ne disputera ce dimanche que son 7ème match seulement à l’occasion de cette finale de coupe. Il ne lui aura fallu que 6 matchs pour gagner sa place pour ce match crucial. Revenons sur ces dernières performances par compétition.

Premier League : L’irlandais a très bien commencé la saison puisqu’il est aligné dès la 8ème journée face au club londonien de Watford. Une titularisation due au fait que son coéquipier Alisson jouait avec la sélection brésilienne ce jour-là. Toutefois, avec seulement 3 petits tirs cadrés pour Watford et une victoire 5-0 de son équipe, le portier des Reds ne s’est quasiment pas illustré dans ce match et ne retiendra que le clean sheet obtenu. Du point de vue des spectateurs neutres, impossible d’oublier le match de Mohamed Salah qui a inscrit l’un des buts de la saison en cet après-midi d’octobre. Trois mois plus tard, Kelleher refait son apparition en championnat pour le choc de la 21ème journée face au Chelsea de Thomas Tuchel. Alisson, alors positif à la Covid-19, lui cède sa place dans les buts. Scénario cette fois-ci totalement différent puisque l’international irlandais encaisse 2 buts et voit son équipe faire match nul. Cependant, il réalise un match très intéressant avec notamment un face-à-face remporté dès la 7ème minute et plusieurs interventions rassurantes face aux Champions d’Europe.

FA Cup : Seulement une semaine après le match contre Chelsea, Kelleher enchaîne dans les buts contre le club de Shrewsbury évoluant en 3ème division. Malgré le retour du brésilien Alisson, le natif de Cork est bien aligné dans le cadre de la rotation en coupe. Van Dijk, Robertson et Fabinho sont ainsi les seuls à avoir plus de 23 ans du côté des Reds ce jour-là. Cela ne les empêche pas de logiquement s’imposer sur le score de 4 buts à 1. Pas grand-chose à se mettre sous la dent pour Kelleher, fusillé à courte distance sur l’ouverture du score et qui aura par la suite passé un match très tranquille.

Carabao Cup : C’est dans cette compétition que le jeune gardien a le plus joué, étant aligné pour les trois matchs disputé par son équipe. A l’occasion du 3ème tour, ses coéquipiers et lui-même étaient opposés au club de Norwich à Carrow Road. Si le score de 3-0 en faveur des Reds peut laisser entendre un match calme et maîtrisé, il n’en est rien. L’irlandais a mérité son clean sheet en étant absolument brillant sur sa ligne : plusieurs arrêts de classe, un pénalty arrêté, quelques sorties incisives… Un grand match de l’irlandais. Une qualification qui les envoie en quart de finale contre Leicester. Les hommes de Jürgen Klopp ont cette fois-ci plus de mal et ne parviennent à se qualifier qu’après une séance de tirs au but durant laquelle Kelleher repousse deux tentatives des Foxes et offre une place en demi-finale à son équipe. C’est ainsi que Liverpool affrontait Arsenal lors d’une double-confrontation en janvier. D’abord tenus en échec sur le score de 0-0 à Anfield, les coéquipiers de Kelleher s’imposent 2-0 lors du match retour à l’Emirates Stadium.

Conformément à ses prestations précédentes, nous retrouvons un Kelleher absolument impérial sur sa ligne, repoussant toutes les tentatives des Gunners.

(Source : The Times)
(Source : The Times)

Un vrai concurrent pour Alisson ?

Comparons les deux coéquipiers de Liverpool.
Le profil d’Alisson, frappant visuellement, n’est pas difficile à établir : Il excelle en jouant souvent très haut sur le terrain (top 6 % européen en termes de hauteur lors des actions défensives) – un positionnement probablement conditionné par les choix tactiques de Liverpool –  et n’hésite pas à sortir en dehors de sa surface pour couvrir la profondeur (top 4 % européen en termes d’intervention hors de sa surface de réparation).

Il est ensuite très solide dans le domaine aérien (top 15 % européen dans la gestion des centres), et brille dans son jeu long (top 12 % européen en termes de réussite dans les dégagements). On pense notamment à ses nombreuses relances longues en diagonale en direction de Salah, lancé dans le dos de la défense et se retrouve de fait en 1 contre 1 face au gardien adverse. Ajouté à cela un nombre de clean sheets impressionnant, déjà 13 cette saison, des réflexes affûtés, un positionnement souvent irréprochable et une belle assurance balle au pied. Le gardien moderne par excellence.

Qu’en est-il du jeune irlandais ? Bien que ses statistiques soient moins flatteuses que celles du brésilien dans tous les domaines, ces dernières restent impressionnantes.

Dans une optique d’équité entre les deux gardiens, nous ne comparerons des statistiques datant seulement des deux dernières saisons et ramènerons ces dernières à 90 minutes de jeu. Il est également important de garder à l’esprit que les matchs disputés par l’irlandais ont été, en majorité, disputés face à des équipes d’un standing légèrement inférieur à celles affrontées par son compère brésilien.

Une des fonctions premières du gardien de but est d’empêcher le ballon de rentrer dans ses cages, une chose que fait très bien Kelleher qui affiche un excellent ratio de 79% de tirs arrêtés, contre 72% pour Alisson a titre de comparaison. Une adresse sur sa ligne qui s’illustre également dans l’exercice des tirs au but dans lequel l’irlandais excelle. En effet, ce dernier a arrêté 50% des pénaltys auxquels il a été confronté (ils sont du nombre de 2, ce qui rend la statistique moins impressionnante c’est sûr, mais c’est déjà pas mal) et a brillé à nombreuses reprises lors des séances de tirs au but. À titre d’illustration, nous pouvons voir et revoir son arrêt contre Norwich en Carabao Cup ou encore sa très bonne séance de tirs au but face à Leicester en quarts de finale de cette même compétition.

Une statistique permet de savoir les performances d’un gardien sur sa ligne par rapport à un gardien-type « moyen », il s’agit des post-shot expected goals. Cette donnée permet de savoir combien de buts aurait encaissé un gardien « moyen » s’il avait été dans la situation du gardien étudié. Des PsXg égaux à 0 indique qu’un gardien « moyen » aurait pris autant de buts que le gardien étudié. Ce prisme nous montre les très belles qualités sur sa ligne de Kelleher qui a des PsXg égaux à +0.41 par 90 minute, ce qui veut dire qu’un gardien « moyen » prendrait en moyenne 0.41 but de plus que Kelleher par match s’il faisait face aux mêmes tirs. Alisson, quant à lui, est à +0.13. Un score tout à fait honorable mais moindre car il est confronté à des tirs de bien meilleure qualité et, ayant joué plus de matchs que l’irlandais, ces stats ont tendance à baisser avec le nombre de matchs disputés.

(Source : L’Equipe)
(Source : L’Equipe)

Concernant le jeu au pied, le rendu visuel montre un gardien très serein dans son jeu. Une impression confirmée par ses statistiques avec 81% de passes réussies, seulement 4 points de moins que son compère brésilien, expert en la matière.

Toutefois, Alisson a tendance à jouer beaucoup plus court pour ses défenseurs centraux, tandis que Kelleher joue en moyenne 3 mètres plus long que son homologue, et avec réussite. Une différence qui s’explique notamment par le différentiel en qualité de la défense. Le natif de Cork joue ainsi principalement avec les remplaçants, moins à l’aise balle au pied que les Van Dijk et Matip alignés avec Alisson. L’irlandais doit donc souvent allonger pour ne pas mettre ses défenseurs sous pression, un possible choix tactique de Jürgen Klopp.

On retrouve également cet écart de niveau dans le nombre de ballons touchés par match des deux gardiens : en moyenne 44 par match pour Kelleher, 38 pour Alisson.

Si le contraire aurait été plus intuitif, cela peut s’expliquer par le fait que la défense remplaçante, d’un niveau supposé inférieur, aura plus tendance à chercher la sécurité en passant par son gardien pour éviter la pression des attaquants adverses, quitte à rallonger les circuits de passe en sortie de balle.

Ainsi, bien que les statistiques de Kelleher soient moins flatteuses que celles de son coéquipier, il faut garder à l’esprit qu’il affiche tout de même d’excellentes qualités dans un contexte différent de celui d’Alisson. L’irlandais est tout à fait au point dans ce domaine de jeu.

Enfin, finissons ce comparatif avec un aspect crucial dans une équipe qui joue aussi haut sur le terrain que l’équipe de Jürgen Klopp : les sorties et la gestion de profondeur.

Dans le domaine aérien d’abord, Kelleher capte 0.33 centre dans sa surface par match, contre presque le double pour Alisson. Bien que moins impérial que le brésilien dans sa surface, il a tendance à rester sur sa ligne et laisser sa défense gérer les centres. Une tendance à rester un peu plus bas qui s’illustre également avec le nombre de ballons touchés par match dans une zone défensive également plus élevé que son homologue. Une autre conséquence probable des choix tactiques liverpuldiens.

L’irlandais n’hésite tout de même pas à sortir très loin de sa surface pour tenter de stopper les contre-attaques adverses lorsque le jeu le demande. Il effectue ainsi, en moyenne, une action défensive par match hors de sa surface, dans la lignée de son compère brésilien qui lui en effectue 1.31 par match. Il en va de même pour la distance moyenne de son but des actions défensives effectuées : 15.8 mètres pour Kelleher, 17.4 mètres pour Alisson.

(source : Liverpool.com)
(source : Liverpool.com)

L’avenir lui appartient

Cette panoplie de statistiques surlignent parfaitement les qualités du jeune Caoimhin Kelleher : excellent sur sa ligne, à l’aise balle au pied malgré une défense souvent remaniée, incisif dans la gestion de la profondeur.

Cependant, vous connaissez le proverbe, “les statistiques, c’est comme les mini-jupes…”, alors pour espérer pousser Alisson dans ses retranchements, l’irlandais doit continuer de travailler, en particulier le contrôle des ballons aériens dans sa surface pour soulager son équipe. Il ne fait toutefois nul doute que le jeune Red a un bel avenir devant lui et affiche d’ores-et-déjà un très bon niveau.

Après des années de maux de crâne pour Klopp qui peinait à trouver un n°2 de classe pour son équipe, il semble que non seulement l’allemand ait déniché un excellent remplaçant, mais peut-être également le successeur de l’immense Alisson. Nouvel élément de réponse dimanche à Wembley.


photo de couverture : TheJournal.ie

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