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4 March 2018


Main Opposée : Bonjour Christophe, tu es du Nord, formé à Lens, c’était un rêve pour toi de jouer au Racing à cette époque-là ?
Christophe Marichez : Oui, mes parents habitaient à 40 km de Lens. Donc quand on était gamin, on n’y allait pas souvent, mais quand j’y allais, c’était quelque chose d’important pour nous. En plus d’avoir été repéré et formé dans ce club, même si j’y ai peu joué, c’était quelque chose de spécial. Mais j’ai participé à une aventure qui a été hyper positive pour moi.

MO : Tu as participé au titre en 1998 ?
C.M : Oui, j’étais doublure de Warmuz. C’était une saison exceptionnelle. Cette année-là, on a fait finale de la Coupe de la Ligue, demi-finale de Coupe de France et on a été champion en gagnant à Auxerre le dernier match. Pour toute une ville et une région, c’est quelque chose d’exceptionnelle. Je me souviens du défilé le lendemain dans la ville, ou le retour du stade à 4h du matin avec le stade qui avait été ouvert pour l’occasion, nos familles nous avaient rejoints et le stade était plein comme s’il y avait un match à 4h du matin. Ce sont des souvenirs inoubliables.

MO : en 99 tu pars à Niort..
C.M : Je suis prêté une année à Niort. Au départ je joue très peu, j’arrive pour palier la blessure du 2ème gardien en espérant m’imposer sur le long terme. Malheureusement ce n’est pas le cas au début. Par la suite, il y a eu un changement de coach, je faisais plutôt des bons matchs en réserve, et les résultats n’étant pas bon en équipe première. Angel Marcos, qui était le coach à l’époque, me prend pour le match à Guingamp en février. On était avant-derniers, ils étaient premiers, on fait match nul et j’arrête un penalty. Je fais la fin de saison, on se sauve, je signe 3 ans à Niort. J’y reste en tout 6 ans. L’année d’après on fait une année plutôt correcte, on fini 4ème avec une demi-finale de la coupe de la ligue, toujours avec Angel Marcos. Après, Hinschberger arrive, on fait trois années avec et la 4ème, il part au Havre. Vincent Dufour arrive, on descend.

MO : Tu pars ensuite à Metz
C.M : Oui, je signe 3ème gardien à Metz, derrière Wimbée et Agassa. Ils m’ont pris parce qu’Agassa partait à la Coupe d’Afrique au mois de janvier et qu’il voulait un gardien avec mon profil, j’avais 30 ans. Les aléas ont fait que j’ai joué quelques matchs, j’ai fait quelques bancs parce qu’il y a eu des blessures, des contre-performances, etc… On descend malheureusement. Le club décide de me faire prolonger et l’année d’après, je joue en Ligue 2 et on remonte immédiatement.

 

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MO : À Metz, tu as été gardien et tu es maintenant entraîneur des gardiens, c’était un désir du club ?
C.M : Je suis resté 6 ans à Metz. On est descendu la première année, on est remonté tout de suite et on est redescendu. Ensuite on n’est pas remonté. On a fait quelques bonnes saisons, une en étant quatrième. Ensuite, avec Dominque Bijotat, on s’est sauvé à l’avant-dernière journée contre Nîmes, je suis rentré à 5 min de la fin parce qu’on menait 3-0. Je jouais moins, j’étais passé doublure, je m’étais blessé dans la saison et j’avais un rôle plus pour encadrer les jeunes. Quand j’ai commencé à prolonger mes contrats, c’est avec M. Molinari, le président du club, que l’on a parlé d’une éventuelle reconversion, donc ça s’est fait naturellement. On ne savait pas trop encore dans quel domaine, et le rôle d’entraîneur des gardiens s’est profilé suite aux départs des uns et des autres, puis la descente en National a précipité les choses.

 

Entré en jeu contre Nîmes de Christophe Marichez - Source: fcmetz.com
Entré en jeu contre Nîmes de Christophe Marichez – Source: fcmetz.com

MO : Comment t’es venue l’envie d’entraîner ? Etait-ce un projet de longue date ?
C.M : Non, je ne m’étais pas projeté si loin. C’est surtout avec Michel Ettore à l’époque quand j’ai signé 3ème gardien que j’y ai pensé. Au fur et à mesure des discussions, il m’a vraiment orienté dans ce sens en me disant que j’étais fait pour devenir entraîneur des gardiens et parce que j’avais cette fibre par rapport à la transmission et qu’il le sentait en moi. L’idée a germé, au début je n’étais pas trop chaud pour et au final, je me dis qu’il avait raison.

MO : Ton travail d’entraîneur des gardiens te prend-il beaucoup de temps entre le travail vidéo et la vie de groupe avec tes gardiens ?
C.M : On n’a pas que ça dans le staff, nous travaillons sur différents domaines. En ce qui concerne le travail vidéo, il est simplifié par tous les logiciels. On essaye de consacrer l’essentiel de notre temps au développement du gardien, à travers les vidéos et les entraînements.

MO : Quel diplôme as-tu passé pour en arriver là ?
C.M : Le cursus est normal. Il faut passer tous les diplômes d’entraineur jusqu’au DES, qui était le DEF à l’époque. Ensuite il y a la certification gardien qui apparait en dernier ressort mais il faut des prérequis au minimum pour aller au CEGB. J’ai passé tous mes diplômes jusqu’au DEF et il y a trois ans, j’ai fait la formation des gardiens de but.

MO : Quel style d’entraîneur penses-tu être ?
C.M : Je pense que chaque gardien est différent donc on essaye justement de s’adapter aux profils des gardiens que l’on entraîne. Pour certains, il va falloir les bousculer pour obtenir le meilleur, et d’autres ont besoin d’être en confiance. Je pense aussi que c’est une question de personnalité et l’entraîneur des gardiens doit pouvoir passer d’un gardien à un autre en appliquant des méthodes différentes. Malgré tout, on essaye d’instaurer une relation de proximité sans tomber dans la trop grande proximité qui fait que tu délaisses l’un ou l’autre. En général, on s’occupe de trois ou quatre gardiens, on essaye de les faire progresser les uns et les autres de manière différente tout en gardant cette proximité vis-à-vis des 4.

MO : À l’heure actuelle tu as 4 gardiens ?
C.M : Oui, j’ai Kawashima, Didillon, Beunardo et Haidara, un jeune du centre qui vient de passer son bac et qui est sur un autre parcours scolaire qui lui permet de s’entraîner un maximum de temps avec nous. Thomas Didillon vient de se faire opérer d’une hernie discale, donc nous nous retrouvons avec trois gardiens puisqu’il sera convalescent pendant environ 3 à 4 mois.

Marichez au sein du staff technique du FC Metz
Staff technique du FC Metz – Source: fcmetz.com

MO : Comment interviens-tu dans l’arrivée d’un nouveau gardien ?
C.M : Il y a des réunions qui sont mises en place, des profils sont ciblés, on met quelques noms sur la table. Ça peut se faire ou ne pas se faire, c’est souvent une question de contrat ou de budget. Pour la première discussion, on est tous concerné et mon avis est bien sûr sollicité. Mais il y a parfois d’autres choses qui font que les gardiens peuvent ou ne peuvent pas venir.

MO : Kawashima a été recruté en 2016, il arrive 3ème gardien derrière Didillon et Oberhauser. Le voir à ce niveau te surprend ?
C.M : Son arrivée a surtout été une opportunité qu’on a eu à un moment donné, donc il est arrivé troisième parce que la hiérarchie était établie. Il est rapidement devenu numéro 2 bis parce que c’est quand même quelqu’un qui avait une expérience importante et un nombre de matchs de haut niveau qui était aussi important. Cela lui a permis de rapidement s’imposer, de gravir la hiérarchie même si au départ il était troisième gardien. C’est quelqu’un qui est très travailleur et très professionnel. Il a été un vrai plus pour l’équipe.

MO : Kawashima est japonais. Y a-t-il une barrière de la langue ?
C.M : Il parlait français parce qu’il avait joué en Belgique à Lierse et au Standard de Liège. Quand on cherchait un troisième gardien, la condition était de prendre un gardien qui avait déjà l’expérience du haut niveau, joué en première division et parlant français. C’était vraiment l’occasion qui s’est présentée et il a aussi su saisir l’opportunité.

MO : Kawashima à 34 ans, comment travailles-tu avec lui ? Tu es encore dans la recherche de la progression ?
C.M : Vis-à-vis de lui, il y a beaucoup d’échanges parce qu’il a l’expérience du haut niveau qui permet de bien connaître le travail dont il a besoin. Il est aussi dans la recherche de la progression. C’est sûr que tu ne vas pas lui faire franchir des paliers à cet âge-là, mais tu peux lui faire gagner 2 ou 3 pour-cent sur certains domaines et c’est ce qu’on essaye de faire via la vidéo, le positionnement. Je pense qu’il a l’expérience ainsi que les acquis. Il faut également garder le niveau qu’il a. Cela  demande aussi des efforts, mais peut-être différent d’un jeune gardien avec qui tu vas pouvoir travailler beaucoup plus dans la quantité. Je pense qu’avec lui, c’est peut-être plus un travail de qualité et de conservation des acquis, tout en essayant de gratter 1 ou 2 pour-cent en corrigeant le défaut qu’il peut avoir par exemple.

Kawashima et Didillon, gardiens du FC Metz - Source : lequipe.fr
Kawashima et Didillon, gardiens du FC Metz – Source : lequipe.fr

MO : La place de titulaire est un réel chassé-croisé entre Didillon et Kawashima. Cette concurrence est-elle difficile à gérer ?
C.M : Bien sûr qu’il y a eu des moments compliqués mais j’ai la chance – je le dis souvent – d’avoir des gardiens qui s’entendent très bien, donc comme les choses sont dites et mises à plat, cela a souvent permis de clarifier la situation même si c’était des choses pas forcément faciles à entendre. Quand coach Hantz est arrivé, il avait décidé d’installer un titulaire. Il a fait une répartition des matchs qui ne lui a pas permis de trouver le titulaire car il était très satisfait des prestations des deux. Aujourd’hui, la situation va changer : comme Thomas s’est fait opérer, donc par la force des choses Eiji va être titulaire pour les 3-4 mois durant lesquels Thomas est indisponible. C’est sûr qu’il y a eu des moments compliqués, mais par le biais de discussions et le fait que ce sont des garçons intelligents qui s’entendent bien, les choses sont toujours rentrées dans l’ordre. Un des deux auraient pu lâcher ou baisser les bras, mais cela n’a vraiment pas été le cas. Il s’est tout de suite remis au travail en se disant : « je ne suis peut-être pas titulaire pour le moment, mais je vais faire le maximum pour revenir ». Cela pousse forcément l’autre à être performant également.

MO : Frédéric Hantz avait donc prévu de mettre un titulaire en place ?
C.M : Il avait vraiment décidé de dégager une hiérarchie parce qu’on avait besoin de stabilité à ce poste même si on avait 2 bons gardiens. Il y en a forcément un qui allait être déçu. Il avait décidé de s’orienter vers ça. Au début ça n’a pas été le cas parce que les deux étaient performants, mais cela devait intervenir en janvier. Malheureusement c’est la blessure de Thomas qui fait que Eiji est titulaire. Peut-être qu’Eiji aurait été choisi, mais on ne peut pas le garantir.

MO : As-tu prôné pour cette hiérarchie ?
C.M : Oui, je pense qu’en termes de confiance, de stabilité, c’est plus facile pour un gardien d’avoir une hiérarchie claire, un numéro 1, un numéro 2 et un numéro 3, qui sauf tremblement de terre reste comme ça. Pour la confiance et le poste difficile qu’on occupe, c’est la meilleure solution.

MO : Tu l’as vécu, ce poste de numéro 1 bis ?
C.M : Non jamais, mais c’est l’expérience qui me fait dire que quand tu as la confiance du coach, tu joues plus libéré et cela n’empêche pas que le numéro 2 soit là pour te faire progresser et pour essayer de devenir titulaire.

MO : À l’heure actuelle vous êtes lanterne rouge, vous avez eu jusqu’à 11 points de retard. Tu as fait un travail psychologique spécifique avec tes gardiens pour les garder dans le coup ?
C.M : Il faut essayer de chasser de la tête le résultat du week-end quand ça se passe mal, donc le lundi, il faut se remettre tout de suite au travail en se disant qu’on a la chance chaque semaine d’avoir une page blanche à écrire et une prestation à fournir qui soit la meilleure possible pour aider l’équipe. C’est certain qu’il y a un travail psychologique, surtout en début de semaine ou après le match pour faire en sorte que le gardien se sente mieux avec un retour vidéo, vite passer à autre chose et se projeter sur le prochain match pour être performant.

MO : Quand vous perdez et que ton gardien fait un gros match, il doit y avoir une certaine frustration. Comment la gères-tu ?
C.M : Il faut essayer d’analyser de la manière la plus objective possible la prestation du gardien. Quand il est bon il faut lui dire et aussi quand il ne l’est pas. Il faut finir par les points positifs en essayant de travailler sur les erreurs qu’il a pu commettre ou les choses à améliorer. L’idéal c’est sûr, c’est quand le gardien fait un match où il a été décisif et qui permet de prendre un ou trois points. Pour un match où il a été moins performant, il faut essayer de travailler sur le mental pour lui permettre de retenir ses erreurs et faire en sorte que la prestation suivante soit la plus aboutie possible.

MO : Tu as deux gardiens au profil vraiment différents, comment les prépares-tu aux matchs ?
C.M : Avec le staff, on élabore des semaines de travail. On me consulte également en fonction de l’adversaire et des besoins physiques des gardiens. On va dire qu’il y a un canevas global qui est mis en place. Le troisième et le quatrième, ils peuvent être plus utilisés sur la fin de semaine pour le travail devant le but des attaquants. Sur le travail en début de semaine, tout le monde fait la même chose avec plus ou moins un ajustement en fonction de l’âge et du ressenti physique qu’il peut y avoir dans l’échange avec les gardiens.

MO : Didillon semble être l’avenir du club par rapport à Kawashima. Que lui manque-t-il pour pouvoir s’imposer à long terme ?
C.M : Thomas même s’il est jeune, il a quand même une expérience. Il a joué en Ligue 2, la saison passée il a fait 34 matchs, mais il a ce déficit d’expérience face à Eiji qui n’est pas possible de combler pour l’instant. C’est l’âge qui lui permettra d’atteindre cet objectif-là. Sur le jeu au pied, on fait un travail hebdomadaire assez important pour qu’il soit beaucoup plus à l’aise dans ce secteur. Pour le comparer à Eiji, sur sa maîtrise des duels, il doit s’améliorer. Par contre, il a d’autres qualités qu’Eiji a moins. Les deux gardiens ont un profil différent mais ils sont assez performants tous les deux. Maintenant, Thomas va surtout se concentrer sur sa rééducation parce qu’il en a pour 4 mois.

MO : Quelles sont les qualités pour qu’un gardien s’impose au plus haut niveau selon toi ?
C.M : Un très bon jeu au pied. C’est très important dans le football moderne, une lecture du jeu et une maîtrise tactique. Les équipes sont très pointues dans ce domaine. Il faut aussi une grande force mentale, car on est à un poste difficile où les qualités mentales font la différence en plus  des qualités physiques requises pour évoluer au plus haut niveau bien sûr. On voit d’ailleurs que les gardiens sont de plus en plus grands.

MO : Est-ce que tu analyses le gardien adverse pour donner quelques conseils aux attaquants ?
C.M : Si vraiment il y a quelque chose qui me saute aux yeux, pour un gardien qui joue très avancé ou qui a un point fort assez important par exemple, je le fais, mais en général, avec l’entraîneur adjoint, on fait des vidéos sur les équipes adverses qui nous permettent de les décortiquer. Les matchs sont tellement retransmis maintenant que les attaquants de notre équipe connaissent bien les points forts et les points faibles des gardiens adverses.

 

LES PENOS DE MO

MO : De quel gardien étais-tu fan, plus jeune ?
C.M : Gaëtan Huard. Je le vois souvent parce qu’il est consultant. C’est vrai que quand j’étais plus jeune, c’était le gardien de Lens. Je lui dis souvent quand je le vois que c’était mon idole quand j’étais petit.

MO : Quel gardien aimerais-tu coacher ?
C.M : Un gardien que j’apprécie vraiment, c’est Benjamin Lecomte. C’est vraiment un gardien moderne qui a un bon jeu aux pieds, qui a une position assez avancée. Il fait partie à mon avis des futurs très bons gardiens, même si on a d’autres très bons gardiens en France. Un gardien qui peut présenter un potentiel pour le futur, je vois bien Benjamin Lecomte assez haut.

MO : Quel gardien t’impressionne à l’heure actuelle ?
C.M : Un modèle de professionnalisme et de longévité, c’est Buffon. Quand tu le vois jouer… En plus, dans la vie, c’est un grand Monsieur. À l’âge qu’il a, les performances qu’il fait encore, c’est énorme. Sachant le travail que ça demande, cela n’inspire que le respect.

MO : Quel est ton plus beau souvenir sur un terrain ?
C.M : Je vais dire mon premier match en professionnel. C’était Lens contre Rennes, de mémoire le 19 Octobre 1996.

MO : Un dernier mot pour MO ?
C.M : Il faut continuer à faire en sorte que le poste de gardien de but soit reconnu à sa juste valeur, continuer à transmettre et à faire en sorte que les gardiens dans les clubs puissent s’épanouir à travers des séances intéressantes.

 

Toute l’équipe de Main Opposée remercie Christophe Marichez pour sa disponibilité et lui souhaite le meilleur pour la fin de la saison avec le FC Metz.

 

Source photo de couverture : mosellesport

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