Blog


6 December 2017


Actuellement gardien de but au Gallia Club Lucciana, en CFA2, Jean-Daniel Padovani a une longue carrière professionnelle derrière lui, entamée il y a 20 ans au FC Martigues. Il y joue son premier match de Ligue 2 à 17 ans, auquel s’ajouteront ensuite environ 400 matchs de National, Ligue 2 et même de Ligue 1. Malgré une parenthèse de deux ans avec le milieu du football pour diverses raisons, ce passionné sait aujourd’hui que son avenir ne s’écrira plus sans ce sport. Il souhaite encore faire étalage de toutes ses qualités de gardien dans un club professionnel, avant de devenir entraîneur, voire consultant. En attendant, il s’est livré sans langue de bois, et en exclusivité, au petit jeu de l’interview pour Main Opposée.

Main Opposée : Bonjour Jean-Daniel, tu as joué toute ta jeunesse au FC Martigues. Comment se sont passés ta formation et tes premiers pas dans l’équipe ?

 Jean-Daniel Padovani : Je suis arrivé au club à 8 ans, puis j’ai intégré le centre de formation de 13 à 17 ans tout en étant logé chez moi. La formation était beaucoup moins développée que maintenant. On nous donnait des conseils, bien sûr, mais c’était basique : quelques plots pour les déplacements sur les côtés, savoir fermer son angle et c’était pratiquement tout. Ou tu avais du talent, ou c’était compliqué. Il n’y avait pas tout ce qui est mis en place aujourd’hui pour que les techniques soient maîtrisées, du genre trampoline, balle de tennis, ou même des entraînements de hand ou de hockey pour avoir une plus grande palette de sauvetages par rapport aux diverses situations de matchs. À cette époque, le club était en Ligue 1, Éric Durand en était le gardien emblématique et j’ai pris le relais après son départ pour Bastia, en 1997. Passer derrière un tel gardien n’était pas évident, mais c’était un grand honneur pour moi. J’en étais très fier et malgré les mauvais résultats, j’étais très soutenu par tout le monde.

MO : Tu signes donc ton premier contrat pro et tu débutes en Ligue 2 à 17 ans ?

J-D P : Exactement, et je commence par un match amical contre Marseille ! Je réalise une superbe partie et Andreas Köpke (gardien international allemand entre 1990 et 1998, ndlr) me donne sa paire de gants en me félicitant pour ma prestation. La suite est plus mitigée en championnat. On prend beaucoup de buts, alors j’alterne les matchs en Ligue 2 puis en moins de 17. Cependant Raymond Domenech remarque mes prestations et je suis appelé en équipe de France Espoirs suite à la blessure de Tony Heurtebise. Je rejoins alors des joueurs comme Landreau, Henry, Trezeguet, Viera, Giuly, Rool et compagnie.

MO : Tu as joué une dizaine de matchs avec ces futurs grands noms du football français. Que t’a-t-il manqué pour monter dans le même wagon qu’eux ?

J-DP : Je pense que je suis passé trop rapidement des catégories de jeunes à la Ligue 2. Un passage par l’équipe réserve aurait été bénéfique pour m’aguérir davantage mentalement. J’ai toujours été très compétiteur mais j’avoue que j’avais un problème avec la concurrence. J’avais besoin que l’on me montre qu’on avait confiance en moi et surtout, je n’ai jamais été dans l’objectif de bouffer l’autre, pas assez méchant sans doute, et je pense que ça a été préjudiciable à plusieurs moments pour effectuer une carrière plus aboutie. Ensuite, je n’ai pas toujours fait les bons choix de clubs. Par exemple après Martigues, des clubs comme Lens, Metz ou Bordeaux me voulaient mais je suis allé à Nice, où il y avait déjà Bruno Valencony qui était très performant, alors je n’ai pas joué titulaire en Ligue 2 d’entrée.

MO : Tu y joues quand même une trentaine de matchs et tu connais une montée en Ligue 1. Comment se passe cette expérience niçoise ?

J-D P : Plutôt bien. Nous sommes très proches avec Bruno (Valencony) et Pioneti, l’entraîneur des gardiens, qui nous fait énormément travailler. Pour la première fois, je perfectionne les bases. Savoir se positionner, utiliser la bonne main, donner l’impulsion avec la bonne jambe sur les sorties aériennes, etc. On travaillait les mêmes exercices chaque semaine et ça a été très bénéfique car ensuite, pendant les matchs, tu adoptes les gestes qu’il faut dans les diverses situations. Et quand tu encaisses un but, tu tergiverses moins quand tu es persuadé d’avoir eu la bonne attitude.

5_7
Jean-Daniel Padovani pendant sa période niçoise.

MO : Pourtant lors de ta troisième saison niçoise, tu pars à Rouen au mercato hivernal, en National. Tu réalises six très bons mois, vous montez en Ligue 2, mais tu décides de partir. Pourquoi ?

J-D P : Oui tout se passe merveilleusement bien. Je travaille avec Zacharia Alaoui, le meilleur coach de gardiens que j’ai connu. Je suis très performant et l’entraîneur m’avoue que le club ne serait pas monté si je n’étais pas venu. Malgré cela, le club souhaite recruter un gardien d’expérience pour la Ligue 2  et me conserver comme doublure. Moi je souhaitais jouer titulaire alors je suis parti. J’ai beaucoup regretté ce choix car j’étais vraiment bien à Rouen et le gardien qui est venu pour être titulaire, Ali Boumnijel, s’est blessé une partie de la saison, remplacé par le numéro 2, Jérémy Sopalski.

MO : Tu pars donc à Cannes en National pour trois saisons…

J-D P : C’est ça. Là-bas aussi tout se passe bien. Je m’éclate sur le terrain, je joue tous les matchs mais nous ratons malheureusement la montée de justesse à cause de points perdus sur tapis vert. La troisième année, je me blesse gravement avec une rupture du tendon d’achille. Paradoxalement, cette blessure a été un mal pour un bien. J’avais 26 ans, ma fille venait de naître, j’étais dans une attitude positive. J’ai fait un travail sur moi, une rétrospective sur mes 9 premières années de carrière en analysant les cotés positifs mais aussi négatifs et je me suis sentis plus fort mentalement. J’ai rejoué au bout de quatre mois. Cette blessure m’a permit de rebondir.

 

MO : Tu rebondis alors au SCO d’Angers où tu excelles pendant plusieurs saisons..

 J-D P : J’ai la chance d’arriver dans un club familial en pleine mutation avec un nouveau président, Willy Bernard, mais aussi Olivier Pickeu et Jean-Louis Garcia. De nombreux joueurs arrivent aussi et l’osmose prend. Je joue tous les matchs de championnat, de coupe, et nous accédons à la ligue 2. Galvanisé par la promesse que je m’étais faite après ma blessure de tout casser si je retrouvais un jour les terrains de Ligue 2, je réalise une excellente saison et termine meilleur gardien de l’année pour les journalistes en plus d’être nommé aux trophées UNFP. Lors de la troisième saison, nous sommes sur le podium jusqu’à sept journées de la fin, mais nous ratons notre fin de saison. À l’image de l’équipe, je suis moins décisif.

MO : Du coup la quatrième année sera plus compliquée pour toi. Que se passe-t-il ?

J-D P : Compliqué c’est bien le mot, comme si un ressort s’était cassé. Je joue les six premiers matchs, puis je perd ma place au profit de Kevin Olimpa qui venait d’arriver. Après mes trois excellentes saisons, je ne m’y attendais pas, d’autant que lui n’était pas du tout dans l’esprit. Il disait être venu ici par défaut et coupait ses chaussettes pour faire disparaître le logo du SCO ! C’est vrai le club ne m’appartenait pas, mais je m’étais tellement investi, je me sentais si bien avec les joueurs, les dirigeants et les supporteurs que cette mise à l’écart m’a fait énormément de mal. Finalement, j’ai joué les derniers matchs de la saison car Olimpa était moyen et au moment de quitter le club, les entraîneurs se sont excusés de l’avoir titularisé à ma place, car il n’était pas dans l’esprit angevin. J’ai pris cela comme de la reconnaissance mais, avec le recul aujourd’hui, je me rends compte que mes six premiers matchs avaient été moyens et qu’ils avaient eu raison dans leur choix.

11SP4980SI_px_640_ (1)
Jean-Daniel Padovani au SCO d’Angers – photo : angers.maville.com

MO : Tu quittes alors Angers pour le club de Dijon. Là encore, tu brilles en Ligue 2 et vous accédez à l’élite.

J-D P : Oui, et Grégory Malicki fait le chemin inverse. Je le remplace à Dijon et lui arrive au SCO. Je participe activement à la montée du club en ligue 1, notamment lors d’un match déterminant de fin de saison où j’arrête un penalty côté droit d’une main opposée. Pour la petite histoire, je fête la montée avec mes coéquipiers dijonnais lors du dernier match sur la pelouse… du SCO d’Angers !

MO : Mais malgré ta superbe saison, tu n’es pas titulaire en Ligue 1 l’année suivante…

J-D P : Non, et pourtant le coach m’avait promis à l’intersaison que je serais bien le gardien numéro 1. Mais après le premier match à Rennes où l’on en prend cinq, je suis écarté. C’est Baptiste Reynet qui prend la suite, et il joue les 37 matchs suivants. J’estime qu’ils n’ont pas été corrects avec moi, car avant de faire signer Daniel Yeboah pour me remplacer, ils avaient contacté sans me le dire Jérémie Janot, qui n’était pas venu. Ensuite ils ne m’ont pas épargné. Je me suis entraîné avec le groupe CFA2, mais ils ne voulaient pas que je joue les matchs. J’ai eu alors un grand ras le bol du football.

MO : Pensais-tu alors que Baptiste Reynet serait si bon quelques années plus tard ?

J-D P : Franchement, à ce moment là, je le trouvais un petit peu surcoté. Bien sûr il faisait des arrêts, mais quand tu es dans une équipe qui joue le maintien, tu es obligatoirement solicité. Ensuite il est parti à Lorient où il n’a pas beaucoup joué et je pense qu’il s’est remis en question, car aujourd’hui il est super performant et si Dijon a de bons résultats, il y est pour beaucoup.

MO : Donc après cet épisode Dijonnais tu es dégouté du foot. Tu essayes alors le beach soccer. Quel est ton ressenti ?

J-D P : C’est vrai, c’est une mauvaise période et je me retrouve au chômage. J’entraîne les gardiens dans un club de CFA2 sur Toulon, puis j’ai l’occasion de jouer au beach soccer avec Cantona. J’ai adoré cette expérience ! Moi je suis un gardien bon sur sa ligne, tout en réflexe et explosivité avec des relances rapides à la main… En plus l’ambiance est superbe : le terrain est petit, les spectateurs proches, il y a de la musique, c’est très agréable. Seulement, à cette époque, j’étais un peu à fleur de peau et pendant le deuxième match, lors d’une petite embrouille, j’ai mis une droite à un mec. Alors j’ai dit stop. J’ai continué à m’entretenir, mais je ne jouais pas. Puis, en janvier, je suis parti aux États-Unis faire des détections en MLS à Philadelphie et Orlando, mais pour des soucis extra-communautaires, je n’ai pas pu rester, malheureusement.

MO : C’est donc à ce moment là que tu pars à la Réunion ?

J-D P : Exactement. J’ai cette opportunité d’aller à la Réunion pour jouer et entraîner des gardiens. Tout en humilité, j’allais là-bas pour apporter mon experience de joueur pro, pour faire évoluer le football sur l’île, mais eux ça ne les intéresse pas, ils préfèrent rester dans leur truc. Du coup, j’ai arrêté le foot au bout de 6 mois et j’ai ouvert un centre de bien-être. J’ai fait une formation et je faisais du coaching sportif, du coaching minceur et des massages bien-être. C’était sympa, ça marchait bien mais au bout d’un an et demi, une fois ma déception passée, le foot m’a énormément manqué. J’ai décidé d’envoyer des CV un peu partout, mais une fois qu’on est sorti du milieu, ce n’est pas évident d’y revenir.

MO : Le CA Bastia te recrute alors et tu quittes l’île de la Réunion pour l’île de beauté ?

J-D : J’ai dit oui de suite. Après pratiquement trois ans sans jouer, c’était une aubaine de resigner pro dans un club de National, je ne pouvais pas rêver mieux . Je viens comme numéro 3 et je coach les gardiens. Cette année là je ne joue pas, Matthieu Pichot et Jeffrey Baltus se partagent la saison. L’été suivant, le club doit faire des économies, Pichot part aux Herbiers et je me retrouve doublure de Baltus tout en restant entraîneur des gardiens du club. Je suis dans le staff et je joue tous les matchs de coupe de France jusqu’en 8ème de finale. Je fais de bonnes prestations et le coach me titularise quelques fois en championnat pour faire souffler Baltus. L’histoire est belle pour moi, et même si la situation est délicate vis à vis de Jeffrey, il l’accepte sans problème, l’entente est bonne entre nous.

MO : Malheureusement le club descend en CFA et toi, tu pars au Gallia Club Lucciana en CFA2. Es-tu toujours aussi motivé à ce niveau là ?

J-D P : Évidemment,  je suis toujours aussi motivé ! Je suis le plus vieux, le club découvre ce niveau et fait des efforts pour moi : c’est la première fois qu’ils créent un contrat fédéral pour un ancien pro. Je suis joueur mais aussi un peu le bras droit du coach, ils s’appuient sur moi. Comme je parle beaucoup, que je donne des conseils aux joueurs,  il est inconcevable pour moi de ne pas être bon, sinon je ne serai pas crédible ! 

images (9)
Jean-Daniel Padovani au Gallia Club Lucciana. Photo : imgrum.com

MO : Espères-tu encore jouer plus haut ?

J-D P : Oui bien sûr, je n’ai que 37 ans ! (rires) Grégory Malicki a bien joué jusqu’à 41 ans… Je peux encore être utile dans un effectif pro comme titulaire ou comme doublure. J’ai un passé et une expérience à transmettre aux plus jeunes. En jouant régulièrement depuis l’année dernière, j’ai retrouvé le rythme et je suis très performant. Je m’entraîne 4 fois par semaine, je mange équilibré, j’ai une bonne hygiène de vie. Aujourd’hui, je suis polyvalent : je joue tous les matchs mais en plus, je prépare et j’anime tous les entraînements spécifiques des gardiens du club, et je conduis même le mini-bus lors de certains déplacements ! (rires) Bien évidement tout cela me plaît, mais je serais forcément encore plus performant si je n’avais uniquement qu’un rôle de gardien.

MO : Tu passes ton Brevet d’Entraîneur de Football (BEF) en ce moment. Après ta carrière de joueur, tu souhaites entraîner des gardiens ou une équipe ?

J-D P : Il y a peu encore je me dirigeais vers un coaching de gardiens, mais depuis que je seconde Rossi et que je dois analyser davantage nos matchs, je me suis découvert la fibre et j’ai des envies de coacher une équipe. J’ai des idées bien précises sur le jeu, je suis un compétiteur, j’ai mon caractère et j’aime le côté psychologique pour encadrer les joueurs, alors si une occasion se présente, je n’hésiterai pas. En attendant je vais passer mon BEF et mon CEGB (Certificat d’Entraîneur de Gardien de But) tout en continuant à jouer, et à la fin de ma carrière, on verra bien. Je suis vraiment passionné, je veux transmettre en entraînant, mais j’aimerai aussi être consultant pour partager mes points de vue et mes ressentis sur ce sport qui m’a tant donné.

MO : Tu as joué environ 400 matchs professionnels et tu as connu 5 montées. Quelles sont tes qualités pour y parvenir ?

J-D P : Ces cinq montées, j’en suis vraiment très fier ! C’est beaucoup plus compliqué d’être gardien dans une équipe qui monte que dans une équipe de fin de classement. Je n’ai pas toujours eu énormément d’arrêts à faire pendant mes matchs, mais j’estime avoir répondu présent quand il le fallait. Ensuite, mes qualités sont la tonicité, les réflexes, l’explosivité, je suis bon sur ma ligne et j’ai un jeu au pied relativement bon. J’ai aussi énormément travaillé, avec beaucoup d’humilité, en me remettant en question quand il le fallait. Par contre, mon point faible a toujours été le jeu aérien, comme si j’avais une barrière psychologique dans ce domaine. On dit toujours que les gardiens sont fous, mais je ne devais pas l’être assez. Je n’ai pas un esprit de rugbyman. Aller au contact comme un fou et prendre des tampons, ce n’est pas mon délire, contrairement à Baptiste Reynet qui excelle dans cet exercice. Bizarrement, peut-être que je suis plus détendu ou que je me prends moins la tête, mais je le maîtrise mieux aujourd’hui. 

MO : Tu as été élu meilleur gardien de Ligue 2 par les journalistes et nominé aux étoiles UNFP.  Ne trouves-tu pas cette cérémonie un peu “Bling Bling” ?

J-D P : C’est vrai qu’on est très bien reçu, logé dans un immeuble au 15éme étage avec vu sur la tour Eiffel. Le côté costard, ce n’est pas vraiment mon délire. Ce n’est pas le domaine où je me sens le mieux, mais c’est chouette à vivre et j’étais vraiment très heureux d’avoir été nominé, même si je n’ai pas terminé premier mais second derrière Christophe Revault. Je trouve ça plus gratifiant d’être reconnu par ses pairs gardiens que par les journalistes, dont les notes ne sont pas toujours impartiales suivant les degrés de proximité entre eux et les joueurs. 

FB_IMG_1511353796197
Jean-Daniel Padovani recevant son trophée Etoile d’or – photo : auteure-martigues.jimdo.com

MO : Tu mesures 1m81. Aurais-tu pu faire aujourd’hui la même carrière avec cette “petite” taille ?

J-D P : Non, je ne pense pas. Ce que les grands ne savaient pas faire à mes débuts, aujourd’hui ils y arrivent. Grâce aux nouvelles méthodes de formation, plus poussées et plus complètes, ils sont plus toniques, ils vont plus vite en haut, ils vont plus vite au sol. Je pense qu’il y aura de moins en moins de place pour les gardiens de ma taille et je trouve ça dommage. Il faut privilégier l’efficacité à la grande taille !

MO : On voit de plus en plus de buts encaissés sur corner au premier poteau où le gardien ne met pas de défenseur. Qu’en penses-tu ?

J-D P : J’aime ce choix de ne pas mettre de joueur au premier poteau. Moi j’en mets un en face du premier poteau, sur la ligne des six mètres, et un autre au deuxième. Si le corner est court, le joueur aux six mètres ou le gardien qui vient naturellement vers le ballon peuvent tous deux intervenir. Si le ballon est prolongé, le gardien est donc avancé au premier tiers du but et le défenseur (au deuxième poteau) aux deux tiers, ce qui quadrille et couvre davantage le but. Si le corner est long, le défenseur protège alors ce secteur du deuxième poteau.

MO : Quel style de gardiens aimes-tu ?

J-D P : Le style que j’aime c’est le mien, un peu comme Jérémie Janot ! (rires) J’ai toujours aimé les gardiens toniques un peu foufous. J’adorais Pascal Olmeta qui se retournait vers le public en serrant le poing après avoir réalisé un bel arrêt. J’aimais Fabien Barthez avec son jeu au pied et son côté bondissant, davantage que Grégory Coupet qui était aussi excellent et efficace, mais un peu trop sobre et rigide. On voyait bien qu’il maîtrisait parfaitement les bons gestes dans les diverses situations de match mais ça manquait de folie, c’était trop “scolaire” à mon goût. Aujourd’hui par exemple, je préfère voir jouer Ter Stegen tout en souplesse que Navas et son côté robot quant il sort les deux poings en avant. Et puis celui qui m’a vraiment impressionné, c’est Iker Casillas. C’est un exemple. Pour être performant au haut niveau si longtemps, il faut sans cesse se remettre en question et ça, ce n’est pas donné à tout le monde.

MO : Le mois prochain Grégory Coupet va prendre la suite de Joël Bats à Lyon. Qu’est-ce que cela t’inspire ?

J-D P : C’était prévu. C’est tout à fait normal, c’est la suite logique. Il gravit les échelons pas à pas, il a beaucoup appris aux côtés de Bats et s’occupe de la réserve depuis deux ans je crois. C’est un mec très bien, très sympa, il a beaucoup apporté au club  et va continuer à le faire. C’est bien pour lui et je suis sûr que tout se passera bien.

MO : Le jeu au pied, domaine que tu maîtrises, est très important aujourd’hui pour les gardiens. Comment t’es-tu perfectionné ?

J-D P : J’ai toujours eu un bon jeu au pied. À 10 ans, je me suis blessé au pied droit, alors je me suis forcé à jouer du gauche et cela m’a aidé, car je n’ai pas le souvenir d’avoir travaillé ce domaine spécifiquement. Quand j’étais au centre, à Martigues j’allais voir les matchs d’Eric Durand et je regardais comment il se plaçait, sa position du corps, comment il se penchait sur sa jambe d’appui et je reproduisais ce que je voyais en persévérant quand je voyais que le ballon partait bien.

MO : Aurais-tu aimé jouer dans un championnat étranger ?

J-D P : Oui, j’aurai vraiment aimé ça, mais je n’en ai pas eu l’opportunité, surtout en Premier League. Je sais, je suis sans doute trop petit mais j’adore l’engouement, la ferveur et l’ambiance qu’il y a là-bas. La Liga aussi m’a attiré et je pense que ça collait mieux avec mon style. Les championnats allemand et italien étaient trop froids, trop rigides pour me plaire par contre. Aujourd’hui, mon rêve serait d’aller jouer aux Etats-Unis ou au Canada.

MO : Quel arrêt de gardien aurais-tu aimé faire ?

J-D P : J’en ai fais des pas mal tu sais ! (rires) J’adore voir un arrêt main opposée, je trouve ça magnifique. Un arrêt qui me vient à l’esprit, c’est celui de Coupet contre le Barca, quand il la dévie sur la barre et qu’il se relève aussitôt pour repousser la reprise de la tête de Rivaldo sur son côté droit. D’ailleurs, j’en ai fait un du même style avec Angers contre Nantes.

 

MO : Tu changes souvent de gants. Ont-ils progressé par rapport à tes débuts ?

J-D P :  Bien sûr. Avant il n’y avait pratiquement que Uhlsport. Aujourd’hui il y a beaucoup plus de marques différentes, mais les gants se ressemblent tous. Il y en a pour tous les goûts. Tu peux avoir des poignets longs, des coutures internes, retournées ou hybrides etc. Ils ont fait de gros progrès sur le grip mais franchement, ils se valent tous. Il faut avant tout avoir une bonne prise de balle, sinon même les meilleurs gants ne servent à rien, surtout aujourd’hui avec les ballons de plus en plus légers. Du coup, à part sur les sorties aériennes, je déteste repousser le ballon des deux poings. Sur une frappe puissante et flottante, mettre le bout des doigts suffit pour repousser le ballon loin sur les côtés et le geste est plus maîtrisé que poings fermés, où il y a toujours le risque de voir le ballon flotter et se dérober au dernier moment.

MO : Que penses-tu de cette sortie “en croix” qu’affectionne particulièrement Manuel Neuer ?

J-D P : Je n’ai jamais travaillé cette sortie, mais je trouve que c’est très intéressant quand c’est bien effectué. C’est très efficace quand l’attaquant est proche de toi. Ça te permet de prendre beaucoup de place et du coup, de fermer des angles de tir. Par contre, quand tu as un peu d’avance, tu dois jaillir et bondir dans les pieds. Moi, je maîtrise davantage les réflexes du pied ou de la main quand je suis face à l’attaquant, mais quand tu vois que Neuer affectionne cette sortie en croix alors tu te dis que tu peux t’en inspirer. Je vais vraiment me pencher sur la question et c’est quelque chose que j’apprendrai à mes jeunes en formation, car ensuite c’est plus difficile à assimiler. J’ai l’impression que lors de son passage à Rennes, Revel a “obligé” Costil à utiliser cette technique de sortie. Seulement, lui avait déjà un vécu et je pense qu’il l’utilisait parfois à mauvais escient, ce qui fait qu’il pouvait être moins efficace qu’auparavant. On ne peut pas totalement changer la technique d’un gardien, surtout quand celui-ci a déjà fait ses preuves.

MO : Tu es très présent sur les réseaux sociaux. Que recherches-tu à travers ce support ?

J-D P : Rien de particulier, mais j’ai toujours été très proche des gens, des supporters, alors ça permet de garder le lien. Je suis très humble et je me rend compte de la chance que j’ai eu d’être footballeur professionnel. Beaucoup auraient aimé être à ma place. J’ai toujours eu beaucoup de respect pour les gens qui me suivaient, m’appréciaient, et je me devais aussi d’être performant pour eux. Je pense avoir laissé une bonne image partout où je suis passé. J’acceptais les solicitations, j’allais boire des verres avec les supporters. Aujourd’hui, je trouve ça bien et normal de garder le contact et de les informer de ce que je fais au niveau du football via les réseaux sociaux.

MO : Pour terminer, peux-tu nous parler de ton association “les gants du coeur” ?

J-D P : Cette idée m’est venue quand j’étais à la Réunion. Je me suis dis que ce serait super d’utiliser la confrérie des gardiens de but pour organiser des manifestations afin de récolter des fonds pour des enfants malades. J’en ai parlé à mon ami Grégory Bosq et on a crée cette association “les gants du coeur”, et dont Baptiste Reynet est le parrain. Tout est légal, officiel, et tout l’argent récolté est redistribué à diverses associations d’enfants malades. Il y a deux ans, nous avons organisé un match contre les anciens d’Arles-Avignon, et l’année dernière contre le collectif du 5 Mai. Notre équipe se compose uniquement de gardiens professionnels, en activité ou à la retraite, et la bonne humeur prime ! Par exemple, lors du dernier match, à 5 minutes de la fin, on s’est retrouvé à 16 sur le terrain contre 11 et sur un corner, Landreau a prit Lafont sur ses épaules… ils sont retrouvés tous les 2 par terre après avoir repris le ballon de la tête. On a bien ri ! C’est ça notre but, passer un bon moment tous ensemble, joueurs et spectateurs et récolter le plus d’argent possible pour ces enfants en difficulté. Nous avons aussi organisé un concert à Porto-Vecchio, des ventes de maillots et nous ambitionnons de réaliser bientôt un calendrier. Je suis très fier de cette initiative, de plus en plus de gardiens répondent favorablement et le prochain match se déroulera au mois de mars prochain à Dijon. Venez très nombreux, on va passer un super moment tous ensemble !

LES PENOS DE MO

Jean Daniel Padovani (Dijon)

MO : Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?

J-D P : Mon premier match professionnel contre l’OM avec les félicitations d’Andreas Köpke pour ma prestation. 

MO : Quel est le pire souvenir de ta carrière ?

J-D P : À Dijon, en Ligue 1, quand je deviens deuxième gardien après seulement un match de championnat.

MO : Quel est ton plus bel arrêt ?

J-D P : Un penalty déterminant pour la montée du DFCO en Ligue 1 que j’arrête Main opposée contre Tours.

MO : Quel est le gardien contre lequel tu as joué et qui t’a le plus impressionné ?

J-D P : Alors là, c’est compliqué ! J’ai joué contre Pascal Olmeta, José-Luis Chilavert, Vedran Runje, Andreas Köpke, Fabien Barthez… Alors pas évident d’en ressortir un.

MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?

J-D P : Quand on est gardien de but, que ce soit au niveau amateur ou professionnel, il faut avant tout prendre du plaisir. Depuis le début de ma carrière, la technique des gardiens a beaucoup évoluée, les entraînements spécifiques sont beaucoup plus poussés. Aujourd’hui, les prestations en match sont beaucoup plus analysées et décortiquées et on doit absolument faire le geste juste. Mais j’ai envie de vous dire « arrêtez de vous prendre la tête avec tout ça !!! ». Il faut garder un côté d’insouciance et de spontanéité car on doit avant tout être efficace et empêcher le ballon de rentrer dans le but,  que ce soit avec la bonne ou la mauvaise main. Avec de l’humilité et beaucoup de travail, on peut tous réussir à faire de belles choses et s’épanouir dans ce poste si important et décisif.

Toute l’équipe de Main Opposée remercie Jean-Daniel Padovani pour sa disponibilité, sa bonne humeur, et lui souhaite le meilleur pour la suite de sa carrière.

Photo de couverture : Olympicasports.com

News Feeds
Rejoins la communauté
Articles récents
Si tu souhaites recevoir du contenu exclusif, souscris à ma newsletter :
Haut de la page
Partages