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18 June 2020


Natif de Saint-Etienne, Anthony Maisonnial revient aujourd’hui sur cette période de crise sanitaire qui a tant impacté le monde du sport. À travers ces lignes, le portier du Paris FC se confie notamment sur son affection pour Fabrice Grange et sa volonté de revenir sur les terrains malgré une crainte qui demeure encore substantielle.

Main Opposée : Bonjour Anthony, comment as-tu vécu l’arrêt du championnat du début du confinement jusqu’à l’annonce du gel des classements ?

Anthony Maisonnial : Lors de la première semaine, on était tous dans le flou, et même par la suite d’ailleurs. Jusqu’à l’annonce de la fin de championnat, on a pu lire tous les jours dans les médias que l’on allait reprendre, qu’on allait pas reprendre. On est longtemps resté dans l’attente et il faut le dire, c’était le flou total. Sur le confinement en lui-même je ne suis pas à plaindre, j’ai la chance d’avoir un petit jardin à mon appartement sur Paris, ce qui me permettait de souffler un peu. J’ai été très vigilant vis à vis du virus, j’ai dû sortir trois à quatre fois en tout et pour tout pour réaliser quelques courses, mais rien de plus.

M.O : Dans l’hypothèse où le championnat ne serait pas terminé, tu te sentirais prêt à reprendre dans ces drôles de conditions ?

A.M : Si la majorité l’avait voulu, mais ce serait pareil pour tout le monde de toute façon. Cela aurait été étonnant et mal-perçu que l’on autorise la reprise du football en France alors que des restaurateurs qui ont le couteau sous la gorge financièrement ne peuvent pas ouvrir leur boîte, c’est normal. Ce serait moyen pour la société d’aller entasser des joueurs dans une surface de réparation, puis de voir des personnes qui n’arrivent plus à payer leurs factures car ils ne peuvent pas exercer leur activité. Ce serait également gênant d’avoir les ressources nécessaires pour pouvoir tester quotidiennement les footballeurs professionnels et dire au peuple qu’on a pas les moyens de les dépister.

M.O : C’est un climat assez spécial…

A.M : Disons que cela fait plus de deux mois que l’on nous demande de respecter des distanciations, et du jour au lendemain on va disputer des matchs de football ? C’est bien beau de ne plus serrer les mains, de porter des masques, d’espacer les remplaçants par respect du protocole sanitaire mais si c’est pour se retrouver quelques minutes plus tard dans un mur sur un coup-franc ou au marquage d’un joueur sur un corner, cela n’a pas de sens. Je souligne que ce n’est que mon avis personnel et que l’on peut ne pas être d’accord avec ma façon de voir les choses. On a tous hâte de reprendre mais la santé prime sur le reste. Si toutes les garanties ne sont pas là, il est inutile de prendre des risques.

M.O : Lors de l’entretien de Mickaël Boully (entraîneur des gardiens du Paris FC) avec l’un de mes confrères, on a pu découvrir que durant ce confinement tu avais quelques exercices sur mesure avec des méthodes novatrices basés sur les référents cognitifs du poste. Selon toi, devrait-on s’inspirer davantage de cette méthodologie ?

A.M : Oui, c’était un bon exercice dans lequel j’ai pris du plaisir. J’ai la chance d’avoir un peu d’espace à l’extérieur et il a su trouver quelque chose d’adapté avec la pétanque, qui est l’un des mes hobbies. La pratique d’un autre sport peut aussi être bénéfique et j’ai la chance d’avoir un entraîneur qui est très ouvert à cela, et puis sa capacité à s’adapter à chacun de ses gardiens est remarquable. Tout cela permet quelque part de maintenir certaines capacités à niveau.

footsur7
“Il faut prendre conscience que ce n’est que du foot et qu’il y a plus grave dans la vie”
(source : Footsur7)

M.O : C’est la première fois en tant que sportif que tu t’arrêtes aussi longtemps, tu n’as plus foulé les terrains d’entraînements depuis maintenant 3 mois Tu as quand même une appréhension concernant la perte de sensation ?

A.M : Non je n’en ai pas, je fais actuellement une bonne “prépa” et j’ai de nouveau touché un peu le ballon sur l’un des terrains qui se trouvent à proximité de la maison de vacances d’où je suis. Après, j’ai conscience que cela va être inédit comme “prépa”, certainement crescendo avec des semaines de travail supplémentaires par rapport à une pré-saison lambda. J’ai quand même hâte de retrouver les terrains. Les premiers temps ça allait, j’ai pu passer du temps avec ma famille et couper un peu, mais le foot me manque évidemment. Je ne me suis jamais blessé, je touche du bois, donc forcément ça commence à faire long car je n’ai jamais connu une période aussi longue sans enfiler les gants. Et puis c’était le confinement, on ne peut pas aller à droite à gauche et pratiquer une activité physique comme bon nous semble.

M.O : Tu étais sous la houlette de Fabrice Grange avec les verts, aujourd’hui avec Mickaël Boully au Paris FC, qu’est-ce que tu as su tirer de chacun d’eux ?

A.M : Avec Fabrice Grange c’est particulier car c’est lui qui a accompagné l’adolescent que j’étais avant de devenir un homme puis un footballeur professionnel. Je suis arrivé chez les pros à 15 ans, c’est avec lui que j’ai passé le plus d’années. J’étais jeune et j’avais mon caractère, ce n’était vraiment pas facile au début. Ce qu’il cherche à te faire comprendre, c’est que tu es dans le vif du sujet et que ce n’est pas le monde des bisounours. Il a une méthode d’entraînement bien à lui, il demande beaucoup de rigueur mais s’il le fait, c’est pour te faire progresser. Je m’en suis d’avantage rendu compte lorsque je fais mes premiers pas en Ligue 1 face à Lorient (17 décembre 2016 à 18 ans). Je me souviens encore de ses mots :

Tout ce travail que l’on fait depuis 3/4 ans, c’est pour que tu sois prêt aujourd’hui et tu l’es, il peut rien t’arriver et même si c’est le cas, je serai avec toi. Tu as 18 ans ne te prends pas la tête.

C’est ce qui m’a permis d’avoir confiance à ce moment-là car il y avait le coach à fond derrière moi. Quand tu as un entraîneur qui te parle comme ça, tu es rassuré. Il a eu une manière de communiquer avec moi qui a été vraiment bénéfique. Quant à Mickaël Boully, j’avais pour souhait de revenir en France et c’est à lui que je dois ma venue au Paris FC. Je le remercie de m’avoir offert cette opportunité.

M.O : Tu as aussi eu l’occasion de travailler avec Jérémie Janot lors de son retour à Saint-Etienne ?

A.M : Brièvement car lorsqu’il effectue son retour en tant qu’entraîneur au centre de formation, je suis déjà passé chez les pros. On se voyait assez peu finalement, seulement les veilles et les jours de matchs avec la réserve. Lorsque j’allais au stade étant plus jeune, c’était Jérémie dans les buts et forcément c’était une référence pour moi, et puis je regardais seulement les matchs de Sainté et rien d’autre. Donc cela reste un plaisir d’avoir pu travailler un peu avec lui. Même si c’était bref, c’était encore une approche différente du poste et c’est toujours plaisant de pouvoir tirer des choses de chacune des personnes avec qui j’ai bossé.

M.O : Lors de ton premier match de championnat avec Sion, tu encaisses un but casquette et dès lors, tu n’es plus aligné. Avec le recul et l’expérience, quelle est la mentalité à adopter dans ces moments-là ?

A.M : Qui ne fait pas d’erreurs ? Les plus grands gardiens que ce soit Buffon ou autres en font aussi. Il faut prendre conscience que ce n’est que du foot et qu’il y a plus grave dans la vie. Bien sûr j’ai connu un moment difficile à Sion, ce n’était pas si simple. Tu arrives dans un pays étranger, tu es jeune, personne ne te connaît et dès le premier match tu commets une boulette… Il faut voir comme on parle de toi par la suite. La critique fait partie du sport, le métier est comme ça il faut s’avoir l’accepter en tant que professionnel. L’important est de savoir relativiser pour rebondir ensuite.

M.O : À titre personnel, quels sont tes objectifs en vue de la saison prochaine ?

A.M : L’objectif c’est de jouer même si cela ne devrait pas être le cas en début de saison, mais il faut garder cet état esprit compétitif pour montrer au coach que l’on mérite sa place. Je dois travailler. Celui qui va à l’entraînement et qui se fiche de ne pas jouer, il peut d’ores et déjà prendre sa retraite.

M.O : Sur le long terme et si tu avais le choix, quel championnat t’attirerais le plus et pourquoi ?

A.M : Il y a quelques années, je t’aurais dis l’Angleterre mais à l’heure actuelle, j’aime bien la majeure partie des championnats. En Allemagne par exemple où les stades sont toujours pleins même lorsque l’on joue contre le dernier, évidemment l’Angleterre qui est une terre de football, le championnat français reste aussi attractif avec de plus en plus d’arrivées de joueurs phares. Mais le gardien que je suis doit s’avoir s’adapter à n’importe quel contexte, je ne suis pas compliqué.

M.O : Oublions un peu le foot. Nous n’avons pas pu réaliser cet entretien hier car tu étais chez le tatoueur. Dis-nous en plus !

A.M : Je me suis fait un gros lion sur mon épaule d’au moins 20 centimètres.

M.O : Un lion ? Pas une panthère ?

A.M : J’affectionne cet animal car c’est le roi de la savane, rien à voir avec le football (rires). Ce n’est pas pas mon premier et quand le travail est bien fait, j’adore !

M.O : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?

A.M : Si des jeunes gardiens nous lisent, croyez toujours en vous et donnez vous au maximum, il n’y a pas de secret. La notion de plaisir reste le plus important, c’est l’essence-même du sport et sans cela, on ne peut pas réussir. Ne pas oubliez que le football reste un sport, il peut y avoir plus grave dans la vie que de commettre une boulette. Seuls ceux qui ne jouent pas n’en feront jamais, c’est le jeu et c’est secondaire. En revanche si tu veux perdurer au haut niveau, il va falloir en faire le moins possible [rires].


Photo de couverture : Twitter @Antho_M_1

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