Main Opposée revient aujourd’hui sur la carrière du plus grand gardien camerounais et l’un des meilleurs portiers africains de tous les temps : Thomas N’Kono, l’homme qui a poussé Buffon à devenir gardien de but.
Idole de Buffon, ce dernier avait décidé de devenir gardien de but après avoir vu un match de N’Kono avec le Cameroun lors de la Coupe du Monde 1990 en Italie. Lors d’un entretien accordé à Téléfoot, Gianluigi Buffon a révélé les raisons de cette admiration : « Il était beau à voir, folklorique. Il dégageait une telle passion. Il portait un long pantalon et j’étais dans l’admiration. Le lendemain, j’ai décidé d’être gardien de but ».
La légende transalpine alla même jusqu’à appeler son premier fils Thomas, bel hommage. Le portier camerounais espère un jour pouvoir faire de même : « Peut-être que je vais demander à mes filles, quand je serai grand-père, d’appeler un de leurs fils Gianluigi. Non, plus sérieusement, pour moi, c’était un honneur. Donner mon prénom à son fils, c’est vraiment une belle marque de sa simplicité et ça m’a beaucoup touché ».
Cantonner seulement N’Kono au rang d’idole de Buffon est trop réducteur tant le bonhomme était talentueux. Ballon d’or africain en 1979 et 1982, N’Kono est l’une des légendes football camerounais à l’instar d’un Roger Milla ou Samuel Eto’o, un gardien ultra-spectaculaire, avec des réflexes qui restent encore à ce jour dans la légende.
En 1974, N’Kono débute à 19 ans sa carrière professionnelle sous le maillot du Canon Yaoundé où il dispute 3 rencontres. Il est alors « prêté » une saison au voisin du Tonnerre de Yaoundé avant de retourner au Canon en 1976. En 1975, il dispute sa première sélection avec le maillot camerounais face au Togo. En sélection nationale, il est en concurrence avec Joseph Antoine-Bell, alors gardien de l’Union Douala, autre grand club camerounais.
Avec les Lions Indomptables, N’Kono va côtoyer Vladimir Beara, ancien grand gardien de la Yougoslavie dans les années 50 et 60 (médaillé d’argent lors des JO de 1952 à Helsinki) . L’ancien portier de l’Étoile Rouge de Belgrade alors sélectionneur du Cameroun (il resta deux ans entre 1973 et 1975) devient un mentor pour le jeune N’Kono.
Avec le Canon Yaoundé, « Tommy » va continuer de s’affirmer comme l’un des meilleurs gardiens du continent en s’avérant notamment décisif dans la quête de plusieurs titres. Sur la scène nationale, le natif de Dizangué gagna 5 titres nationaux (1974, 1977, 1979, 1980 et 1982) tandis que sur la scène continentale, il remporta la coupe d’ Afrique des Clubs champions en 1979 et 1980.
En 1982, il s’envole pour l’Espagne avec sa sélection pour y disputer la première coupe du Monde de l’histoire du Cameroun.
Opposés au premier tour au Pérou, à la Pologne et l’Italie, les Camerounais seront éliminés malgré leur invincibilité durant ce tournoi. Capitaine lors de cette compétition, N’Kono impressionne les observateurs élogieux devant les prouesses du gardien du Canon de Yaoundé. « Tommy » n’encaissera qu’un seul but face à l’Italie, futur vainqueur de la compétition.
Cette compétition le révéla aux yeux de l’Europe et notamment l’Espagne. L’Espanyol Barcelone le recrute à l’issue du mondial ibérique et N’ Kono y démontre tout son talent sur le continent européen. Le gardien camerounais resta près de 9 ans dans le club catalan avec lequel il disputa une finale de la Coupe UEFA, perdue aux tirs au but face au Bayer Leverkusen lors de la saison 1987-88. Cette défaite en finale reste comme l’un des moments les plus tristes de la carrière de N’Kono. Sous le maillot catalan, il garda sa cage inviolée durant 496 minutes et obtint à deux reprises le titre de meilleur joueur étranger du championnat espagnol.
En 1990, il participe avec le Cameroun à la coupe du Monde en Italie. Avec ses partenaires, il atteignit les quarts de finale de la compétition où les Lions Indomptables furent éliminés par l’Angleterre trois buts à deux. Pour la première fois de l’Histoire, une équipe africaine atteint les quarts de finale de la compétition. Outre les bonnes performances en coupe du Monde, N’Kono ne remporte pas la Coupe d’Afrique des Nations en tant que titulaire lors des saisons 1982, 1986 et 1990. Il est le remplaçant de Joseph Antoine Bell lorsque le Cameroun gagne sa première CAN en 1984.
En 1991 , il quitte l’Espanyol pour rejoindre Sabadell, club catalan alors en deuxième division espagnole. Après deux saisons, il quitte le club catalan pour en rejoindre un autre en deuxième division, l’Hospitalet où il disputa 20 rencontres avant de partir sur le continent sud-américain.
De 1994 à 1997, la légende camerounaise enfila les couleurs du Bolivar la Paz (Bolivie) qui sera son dernier club avant de se lancer dans une carrière d’entraîneur des gardiens de but. Lors de son aventure bolivienne, il réalisa le record du plus grand nombre de minutes du championnat bolivien en gardant ses cages inviolées pendant 761 minutes lors de la saison 1995, à 39 ans.
Son parcours en sélection fut également marqué par sa rivalité avec Joseph-Antoine Bell. N’Kono décrivait leur relation comme uniquement sportive. L’emblématique portier de l’Espanyol reproche à Bell d’avoir dégradé son image : « Il y a néanmoins eu des moments avec pas mal de combines, notamment à la CAN de 1984 ou au mondial 1994 où Bell a monté certains joueurs contre moi ».
Avec 112 sélections, il est considéré comme le plus grand gardien camerounais de l’histoire.
En 2016, lors d’un entretien accordé à SoFoot, il jugeait que le poste de gardien de but était le poste “qui avait le plus évolué ces dernières années”. Si N’Kono a marqué les esprits, c’est grâce à son style de jeu. Excellent dans le domaine aérien où il était capable de capter le ballon à une main alors qu’il étendait son corps vers l’arrière, il a révolutionné son poste en disposant d’une grande qualité de relance tant au pied qu’à la main. Il réalisa des parades spectaculaires grâce à un sens de l’anticipation très affûté, ses prouesses lui valurent le surnom « d’araignée noire ». En Afrique, son style vestimentaire détonna également puisqu’il privilégia le pantalon de gardien au short.
Aujourd’hui, N’Kono s’occupe des gardiens de l’Espanyol Barcelone, un poste qu’il occupe depuis 2003. Il y forma des gardiens comme Carlos Kameni ou Fabrice Ondoa, symbole de son expertise dans le domaine des gardiens de but. Une belle reconversion pour cette légende du football.
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Photo de couverture: SoFoot
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