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20 June 2017


Dans cette nouvelle série sur Main Opposée, nous partons à la recherche du Saint-Graal. Celui qui transcende l’homme, qui abasourdit le spectateur et fait frissonner le portier. Vous l’aurez compris, nous cherchons l’arrêt parfait. Une quête présomptueuse, mais une quête que nous poursuivrons sans relâche, car elle mène à notre paradis. Si l’homme cherche un sens à son existence, nous chercherons ici plus encore. Nous cherchons le surhumain, le divin, celui qui nous fera même croire aux beautés de l’enfer et aux horreurs du paradis. Une quête impossible sûrement, mais nous, portiers, domptons l’impossible. Et qui d’autre qu’un portier pour incarner la perfection que nous cherchons tous à atteindre ?

Beauté salvatrice

Pourquoi nous, humains, accordons-nous tant d’importance à la beauté ? La beauté n’est après tout qu’une manière parmi tant d’autres et souvent la moins évidente des façons d’arriver à ses fins. Il est si dur de mêler beauté et efficacité, titans de feu et de glace destinés à se combattre sans jamais s’unir. Surtout, nous portiers renions la beauté, superflu enfantillage que nous laissons volontiers aux fougueux attaquants. Un portier est une machine, destinée à tout simplement arriver à ses fins, sans aucune autre exigence. Il n’y a qu’à voir l’importance que nous donnons à notre apparence, delaissée, nous sortons d’un match comme le soldat qui a vécu les mille horreurs. Non, décidément, la beauté n’est pas nôtre.

Nous, humains, valorisons tant la beauté, car elle reste le constant symbole de l’existence d’une essence poétique, artistique à un monde aussi froid et réel. La beauté vous transporte, Baudelaire disait d’ailleurs : “enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise”. Justement, le portier ce jour-là, nous enivre de vertu. Au départ, un ballon brossé, caressé, catapulté avec délicatesse. Ce ballon, c’est l’enfant s’en allant rejoindre les bras du filet, tels les bras de la mère. Hugo disait à ce sujet : “Les bras des mères sont faits de tendresse, les enfants y dorment profondément”. Le ballon n’attend que de s’en aller rejoindre sa chère et tendre, se reposant enfin après autant de coups subis. Non, ce ballon est destiné à finir dans les bras de sa tendre mère.

Soudain, surgit Donnarumma. Comme un démon qui jaillit des tréfonds de l’enfer, il apparaît dans le cadre comme l’invocation du diable. Non, Donnarumma n’est pas humain. Ce jour-là, Gianluigi est l’incarnation même du plus horrible des rôles que le portier peut interpréter. Comment empêcher le ballon, enfant innocent, de rejoindre le filer ? Un bond héroïque d’une silhouette fantomatique, s’en allant détourner d’une main violente le ballon vers le poteau blanc sur lequel il vient s’écraser violemment. Affreuse hérésie, l’image est presque trop douloureuse à voir. Douce ambroisie, comment ne pas regarder à nouveau un tel blasphème ? Blasphème divin, l’arrêt de Gianluigi est si violent, si cruel, qu’il en devient magnifique, comme si autant de cruauté pouvait soudainement devenir trop cruelle pour en devenir belle.

Dostoïevski disait pourtant : “La beauté sauvera le monde”. Nous, portiers, oublions peut-être un peu trop cette beauté, certes inutile, mais ô combien réjouissante. Comment pratiquer l’art du portier sans savoir en exprimer sa beauté ? Heureusement pour nous, pauvres croutons rassis, la fougue de la jeunesse sauvera la beauté. Du haut des ses 17 ans, Donnarumma est déjà grand. Par la taille mais aussi par le talent. Il incarne la preuve même que malgré tous les efforts du monde, il existe en certains le don de la chose. Insolent, il est tel le Parthénon survivant des atrocités de la guerre, comme si les aléas de la jeunesse n’étaient que caresses au destin qui le mène aux sommets.

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