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2 July 2020


Arrivé en 2017 en Corse, Anthony Chérif Martin a participé à la belle aventure du SC Bastia qui retrouve la Nationale 1. Le natif de Nantes, passé par la Vendée, l’Algérie et désormais la Corse évoque tour à tour son parcours à la Jonelière, son expérience et sa vision du poste. Entretien.

Main Opposée : Salut Anthony, tout d’abord comment vas-tu en cette période particulière ?
Anthony  Martin Cherif : Ça va bien. On patiente, on est en famille puis on s’entretient puisqu’on a bon espoir que le foot reprenne un jour quand même !

MO : Avec l’arrêt de la saison, le SC Bastia a obtenu son accession. Toi et tes coéquipiers devez êtes fiers d’avoir contribué au succès d’un club historique du football français j’imagine…
AMC : Oui, nous sommes fiers mais nous sommes surtout heureux d’avoir atteint notre objectif, d’avoir franchit cette étape, la deuxième pour ma part (deuxième montée d’affilée avec le Sporting Club Bastia, nldr). Comme tu l’as dit, c’est un club historique qui n’était pas à sa place, qui ne l’est toujours pas, mais qui rentre quand même aujourd’hui dans des standards un peu plus conforme à son passé.

MO : Raconte-nous un peu cette saison, avec notamment la ferveur autour des rencontres du Sporting, en atteste le déplacement de tes supporters à Sedan.
AMC : Cette saison a été comme la saison précédente que j’ai vécu. Il faut savoir que la ferveur populaire pour les couleurs bastiaises est toujours immense. Cela nous a aidé pour les deux saisons en Nationale 3 et Nationale 2. Contrairement à la saison passée, nous n’avons pas survolé notre championnat car nous avions un adversaire de taille, en l’occurrence Sedan. La rencontre au stade Dugauguez (stade de Sedan, ndlr) avec le déplacement de nos supporters nous a permis de constater davantage la ferveur, leur soutien à notre égard.

Слика
Anthony saluant les nombreux supporters bastiais ayant fait le déplacement jusqu’aux Ardennes (source: Twitter Anthony Chérif)

MO : Depuis ton arrivée tu as pris conscience que jouer sous les couleurs du Sporting, c’est aussi jouer sur une terre de football…
AMC : Oui c’est clair que je savais que je jouais sur une terre de football, mais je dirais aussi qu’on défendait non seulement les couleurs d’une ville mais aussi celles de tout une île, de tout un peuple.

MO : Penses-tu déjà à la saison prochaine ?
AMC : Oui forcément, parce que lorsque l’arrêt du championnat était temporaire, nous sommes restés focalisés sur l’objectif avec une éventuelle reprise. Dès que l’annonce a été faite, nous avons relâché, nous avons savouré cette petite bouffée d’oxygène dans un climat qui était pesant. Puis au bout de 4, 5 jours, une semaine, nous avons basculé sur la saison suivante car pour nous les joueurs et le Sporting, la carrière et la vie ne s’arrête pas avec l’accession en Nationale 1.

MO : Un programme physique a été mis en place ?
AMC : En fait, on a jamais cessé d’en avoir. Quotidiennement, le préparateur physique nous envoyait un programme de maintien. Depuis que nous avons le droit de circuler, nous venons nous entraîner par petit groupe en respectant bien évidemment le protocole sanitaire (gestes barrières, distanciation physique).

MO : As-tu retouché au ballon ?
AMC : Je l’ai retouché avec l’entraîneur des gardiens lors d’une séance préparée par le préparateur physique. Sinon je me prépare individuellement avec les lives Instagram d’un préparateur physique.

MO : Tu es originaire de Nantes, tu as d’ailleurs été formé au FC Nantes. Que retiens-tu de cette expérience ?
AMC : Que des bonnes choses puisque c’est là où j’ai vraiment appris à jouer au football, à aimer le football d’une manière collective et rigoureuse tout en prenant plaisir. C’est là également que j’ai acquis certaines qualités qui me suivent encore aujourd’hui, à savoir la lecture du jeu et la qualité de relance. Cela vient  tout droit de la Maison Jaune, c’est l’une de mes marques de fabrique.

MO : Après tu as connu deux clubs avec le Poirée-sur-Vie avec lequel tu évolues en National entre 2011 et 2012, puis Luçon entre 2012 et 2016. Que retiens-tu de tes expériences vendéennes ?
AMC : Le Poirée-sur-vie a été ma première saison complète en seniors puisqu’avant je jouais en CFA2 à la Vitréenne où j’étais doublure et je jouais en réserve avec la DH le lendemain. Au Poirée, j’étais titulaire et j’ai disputé 30 matchs en National. Ce fut une expérience énorme puisqu’en tant que promu nous jouions la montée et nous avons acquis notre maintien à une dizaine de journées de la fin. À Luçon, c’était le franchissement d’une étape supplémentaire, avec une montée en National, un maintien tardif, puis deux saisons où nous jouions la montée en Ligue 2. Pour résumé, le Poirée-sur-Vie m’a fait découvrir le monde seniors et le haut niveau, et Luçon la pression de l’accession.

MO : En janvier 2017, tu connais une expérience en Algérie dans ton pays d’origine en signant au CS Constantine. Quels souvenirs en gardes-tu ?
AMC : Le souvenir ça sera l’ambiance et la ferveur, à l’instar du peuple bastiais.

MO : Comment es-tu devenu gardien de but ?
AMC : J’allais voir mon grand frère qui était entraîné par mon père à l’époque. J’étais tout jeune, j’allais au stade où je jouais avec d’autres enfants, je ne sais pourquoi je voulais toujours me jeter par terrer et être dans les buts. Quand j’ai eu l’âge pour m’inscrire, j’ai directement joué dans les buts même lors des plateaux débutants où généralement tu découvres tous les postes. Pour moi il était hors de question de découvrir autre chose. Si ça se trouve on est passé à côté d’un phénomène dans les buts, mais il n’avait pas le droit d’essayer car je restais dans les buts.

MO : Qu’est-ce que tu préfères lorsque tu portes les gants ?
AMC : Ce que je préfère c’est ne pas prendre de but, garder ma cage inviolée, presque tout autant qu’une victoire.

MO : Un peu comme un attaquant qui est déçu de ne pas avoir marqué ?
AMC : Oui, en N3 j’ai vécu des victoires 5-1 ou 6-1 avec le Sporting et on prend ce but à la 95ème minute parce qu’on se relâche. Ça peut paraître anecdotique mais cela me mettait en boule car j’apprécie de ne pas prendre de but.

 

MARTIN Anthony cherif on Twitter: "#Training #Football ...
Antonhy à l’entraînement avec le Sporting (Source: Twitter Anthony Chérif)

MO : Peux-tu nous raconter les entraînements spécifiques que tu as connu cette saison au Sporting, une journée typique ?
AMC : Une journée typique c’était une séance la matin, arrivée une demi-heure dans les vestiaires avant l’entraînement, un petit travail de pré-échauffement en salle, puis la coach nous expliquait la séance. Lorsque nous sortions sur le terrain, j’étais avec les autres gardiens et les entraîneurs spécifiques, ils étaient deux. On faisait ensuite un échauffement entre gardiens, nous étions trois ou quatre, nous faisions un travail d’échauffement de gamme avec le jeu au pied et la prise de balle. Après on faisait un exercice par rapport au thème souhaité par l’entraîneur des gardiens, des thèmes qui variaient au cours des semaines, puis parfois, si le coach avait décidé de faire quelque chose de collectif avec les gardiens que ça soit du travail devant le but ou de la mise en place, nous stoppions et rejoignions le groupe.

MO : Que préfères-tu durant les séances spécifiques ?
AMC : Tout bêtement travailler. J’aime bien quand je souffre parfois, je peux même pester parce que c’est dur alors que paradoxalement j’aime quand c’est compliqué. Le fait d’être fatigué, c’est le sentiment du travail accompli pour moi.

MO : Quelle était l’ambiance avec le groupe gardien ?
AMC : C’était top ! On a eu deux entraîneurs des gardiens, Hervé Sekli et Dumé Agostini qui est en formation, Hervé Sekli l’a pris sous son aile. Deux personnes compétentes, bienveillantes à notre égard et puis globalement l’ambiance était bonne, nous savions travailler dans la bonne humeur. On était capable de rigoler et de basculer sur la concentration et le travail. Au niveau des gardiens, il y avait un ou deux jeunes (U19) et Sébastien Lombard qu’on ne présente plus : il a 38 ans, il a connu la Ligue 2 et le National avec le CA Bastia c’est un super gardien mais qui est surtout un super mec, une personne en or. Il a fait le nécessaire dès mon arrivée pour que je sois bon, à savoir maintenir une bonne entente et une qualité de travail et de performance aux entraînements pour que d’une façon régulière, réglo, je me sente en danger et pousser vers le haut. C’est ce qui s’est passé et ce que j’apprécie. C’est la façon dont je vois ma position de N°1 et sa position de doublure que j’ai connu par le passé.

MO : Travailles-tu avec la vidéo ?
AMC : Oui, Hervé Sekli revenait sur des situations que j’avais pas particulièrement bien géré dans les matchs précédents ou bien des situations que j’avais mal géré par le passé et qu’à l’instant T j’avais bien géré. Par exemple, il m’expliquait ma position et il la contextualisait dans la situation pour m’expliquer pourquoi cela m’a mis en défaut ou bien pourquoi cela m’a aidé.

MO : Aspires -tu à transmettre tes connaissances à des gardiens en devenant entraîneur des gardiens ?
AMC : Pas spécialement. Je ne suis pas contre car je trouve ça passionnant, mais comme pleins d’autres postes dans le monde du football que je trouve intéressant.

MO : Comment définirais-tu le poste ?
AMC : C’est un poste à responsabilité remplit d’ingratitudes.

MO : Plutôt poétique et révélateur du poste…
AMC : Oui, parce qu’une ligne offensive qui va louper des occasions empêche que le tableau affichage soit en faveur de l’équipe tandis qu’un gardien qui va faire une erreur, ça fait immédiatement un écart d’un point avec l’adversaire et on va reprocher cela au gardien. Alors que si l’attaquant avait marqué son but, ça faisait aussi un écart d’un point mais en notre faveur, cela est moins visible, pourtant l’écart est le même. C’est un but, c’est la même chose.

MO : C’est la responsabilité du poste qui veut ça aussi, comme tu le dis c’est ingrat , pour tous les niveaux…
AMC : Oui bien sûr, à tous les niveaux il y a l’ingratitude. On ne perçoit pas qu’un attaquant qui marque ça fait un but d’écart et un gardien qui loupe ça fait un but d’écart, le résultat est le même, sauf qu’un attaquant qui marque pas, c’est moins grave.

MO : Comment perçois-tu le rôle du gardien de but sur le plan tactique ?
AMC : Je pense que le gardien doit être le premier relanceur, un relai en terme de communication car il a une vision globale de ce qu’il se passe sur le terrain puis, au niveau de son placement, il doit gérer la profondeur car désormais le pressing est de plus en plus souvent haut. Il participe à réduire les lignes.

MO : Communiques tu de l’aspect tactique du gardien de but avec tes partenaires joueurs de champ ? Par exemple lors des ballons aériens discutes-tu de leur placement lorsque tu es sujet à intervenir ?
AMC : Non, en fait je m’adapte à eux et eux ils s’adaptent à moi. À force de travailler c’est naturel, donc c’est pour cela que les automatismes sont importants. Globalement, on a pas trop cette discussion.

MO : Lorsque tu regardes la Ligue des Champions, es-tu attentif à leur façon de jouer afin de pouvoir en tirer des axes de progression sur le plan personnel ?
AMC : Oui bien sûr. Après, j’ai l’humilité de me dire que c’est compliqué de les copier car j’ai l’ambition de faire comme eux, mais nous n’avons pas les mêmes aptitudes que ces grands gardiens. J’aime bien regarder et me rendre compte de l’écart qu’il y a entre eux et moi et me dire voilà vers quoi je tends tout en restant à mon niveau.

MO : Si tu devais dresser le portrait robot du gardien idéal, quel serait-il ?
AMC : Le gardien idéal ? Ter Stegen !

MO : Pourquoi ?
AMC : Parce que je lui trouve pas de défaut en fait, il a des réflexes incroyables , il est tout le temps bien positionné pour agir sur les frappes de loin, de près, les balles en profondeur, il a les deux pieds, jeu long, jeu court, une relance à la main, il n’est pas pris en défaut dans les sorties aériennes, il gère la profondeur. Franchement, je n’arrive pas à voir où il est en difficulté.

MO : Quels sont tes objectifs pour le futur ?
AMC : J’ai toujours eu l’objectif de connaître le monde pro en France. Je l’ai connu en Algérie, pas en France, donc ça serait d’atteindre la Ligue 2. C’est pour ça que je m’étais à la base inscrit dans ce projet avec Bastia avec l’objectif de gravir les échelons.

MO : Un dernier mot pour les lecteurs de MO ?
AMC : De continuer de prendre du plaisir malgré cette ingratitude et de rester dans l’amour du poste. C’est un poste magnifique où il faut s’accrocher, mais c’est ce qu’on aime en général lorsqu’on est gardien de but.

Les pénos de MO

Les pénos de MO - Anthony Cherif Martin - SC Bastia

MO : Ton idole de jeunesse ?
AMC : Mickaël Landreau.

MO : Le meilleur gardien du monde actuellement ?
AMC : Ter Stegen.

MO: Ton plus bel arrêt ?
AMC : Match pour ma 100ème en National face à Amiens, reprise de volée de Jonathan Tinan dans le contre pied, je repars sur mes appuis et je fais une belle envolée.

MO : Ton plus mauvais souvenir ?
AMC : Quand on loupe la montée en Ligue 2 avec Luçon et que le club dépose ensuite le bilan.

MO : Le plus beau ?
AMC : Le match à Sedan cette année.

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Photo de couverture: footballdatabase

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