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13 November 2018


En tant que français, la première image de Vítor Baía que nous avons à l’esprit est le but en or de Zidane encaissé sur penalty en demi-finale de l’Euro 2000. Cette image de défaite est paradoxale car il est le gardien qui a remporté le plus de titres dans l’histoire, avec 34 trophées glanés du côté de Porto et de Barcelone. Revenons donc sur la carrière de ce gardien qui a marqué les années 90 et 2000 avec son fameux numéro 99 dans le dos.

Une ascension entre choix et coups du sort

Vítor Manuel Martins Baía est né en 1969 à Vila Nova de Gaia, dans la banlieue de Porto. Il a pour idoles les grands gardiens des années 80 comme Jean-Marie Pfaff, grand gardien belge ou encore Bento gardien de Benfica (!). Il est repéré par le FC Porto lors d’un tournoi de jeunes avec son équipe de l’Academica de Leça. Cependant, son équipe survole tellement le tournoi que les recruteurs dragoes n’avaient pas pu constater ses qualités de portier et le retenir. C’est son coach qui a finalement convaincu les recruteurs quelques jours plus tard. Comme il le dit dans une interview au Correio do Porto en 2004 : “Ça tient à quoi une carrière, hein ?”.

Dès sa formation, Baía va alors montrer sa force de caractère lors de choix et de coups du sort déterminants pour sa carrière. En 1987, après une formation réussie et alors aux portes de l’équipe première à 18 ans, il décide d’arrêter l’école contre l’avis de son père pour pouvoir se donner à fond dans sa carrière. Ce choix n’est pas anodin dans une culture portugaise très familiale et Vítor sera même chassé de la maison. Il se réconciliera finalement avec son père et reprendra ses études à la fin de sa carrière.

Au début de la saison 88-89, c’est une thrombose au bras contractée lors d’un tournoi de jeunes qui le tiendra hospitalisé 1 mois et demi. Malgré ce contre-temps, il revient et profite, durant cette saison, de la blessure de Mlynarczyk, le titulaire, pour faire sa première apparition en équipe première contre le Vitoria Guimaraes. Il effectuera 15 apparitions cette année-là sous les ordres de Quinito.

Ses début à Porto : beau brushing - source : paixaopeloporto.blogspot.com
Ses début à Porto : beau brushing – photo : paixaopeloporto.blogspot.com

La montée en puissance

À la reprise de la saison 1989-90, Vítor Baía décide de refuser sa sélection au mondial U20 pour se concentrer sur son club. Les portugais remportent la compétition à Riyad mais il n’a “pas de regret”. Pas de regret, car c’est lors de cette saison qu’il va s’installer à 19 ans dans les buts des Azuis e brancos. En effet, en accord avec le nouveau coach Arthur Jorge, Josef Mlynarczyk décide de lui laisser sa place de titulaire pour toute la saison. Il gagnera son premier titre de champion avec Porto et gardera cette place de titulaire pendant 7 ans.

De 1989 à 1996, il gagnera 4 titres de champions et 2 coupes du Portugal. Mais surtout, il réalise une performance marquante lors de la saison 91-92 en restant invaincu en championnat du 12 Septembre 91 au 5 Janvier 92 soit 1192 minutes d’invincibilité – record en cours, monstrueux. Il apparaît très fort sur les face-à-face grâce à sa capacité à aller vite au sol et son calme légendaire. De plus, il est très agile sur les sorties aériennes malgré sa taille moyenne (1m85) et n’hésite pas à sortir lorsque son équipe est dominée. Ces qualités lui permettent d’intégrer dès 1990 la Selecção das quinas à 21 ans et de connaître l’Euro 96 en Angleterre. Le Portugal est éliminé par la République Tchèque en quarts de finale.

L’apogée catalane

L’écho des performances de Vítor Baía dépasse alors les frontières du Portugal et sa côte est très haute à l’âge de 26 ans. A l’été 96, profitant de l’arrêt Bosman et malgré l’intérêt de la Juventus, il s’engage pour 6,5 millions d’euros auprès du FC Barcelone. Il devient à l’époque le gardien le plus cher du monde. Il évoque cette année comme “le premier très grand moment” de sa carrière.

Epoque Barcelone et maillot improbable - photo : leballonrond.fr
Epoque Barcelone et maillot improbable – photo : leballonrond.fr

Il réalise de très bonnes performances au sein d’un Barça dirigé par Bobby Robson et son adjoint traducteur portugais, un certain José Mourinho… Baía remporte la Coupe des Coupes aux dépends du PSG à la fin de la saison 1996/97 grâce à un pénalty de l’inévitable Ronaldo qui transforme, face à Bernard Lama, la sentence qu’il avait lui-même obtenue.

Cette saison au Barça permettra au portier portugais d’affirmer encore un peu plus son style de “gardiens d’équipes qui dominent”. Grâce au style barcelonais, son jeu continue de progresser et surtout, il gagne en vista lors des relances courtes. À la fin de l’année 97, il intègre même le top 5 mondial des gardiens.

 

Cependant au début de la saison 1997-98, il se blesse au genou et le nouvel entraîneur Louis Van Gaal ne lui fait pas confiance. Il connaît même l’un des plus mauvais matchs de sa carrière contre Kiev (0-4) car Van Gaal a insisté pour qu’il joue malgré qu’il ne soit qu’à 50% de ses moyens… Ce match constituera la fin de son idylle barcelonaise avec un départ en janvier 1999. Malgré cette fin difficile, il considère Barcelone comme sa seconde ville, très similaire à Porto.

Le gardien de la génération dorée portugaise

Par ailleurs, Vítor Baía est aussi le gardien totem lors du retour du Portugal au premier plan de la scène mondiale. La génération victorieuse des mondiaux U20 en 1989 et 1991 arrive à maturité et est redoutée par beaucoup d’équipes. Malgré ce potentiel (Figo, Rui Costa, Conceiçao…), l’équipe manque la qualification au Mondial 98 en finissant derrière l’Allemagne et l’Ukraine. Deux ans plus tard, elle se qualifie pour l’Euro 2000. Vítor Baía réalise une superbe compétition en ne prenant que 4 buts et en sortant l’Allemagne et l’Angleterre en poules. Il réussit même à arrêter un pénalty contre la Turquie en quarts de finale. Il ne peut en revanche rien faire sur le penalty de Zidane, et les portugais sont battus 2-1 par la France en demi-finale, future vainqueur.

Baía défendra les buts du Portugal à 80 reprises - photo : O Mundo Dos Guarda-Redes
Baía défendra les buts du Portugal à 80 reprises – photo : O Mundo Dos Guarda-Redes

Enfin, il dispute finalement une phase finale de Coupe du Monde en 2002, mais les coéquipiers de Figo ne passent pas le premier tour en Corée du Sud et au Japon, et Vítor Baía ne réalise qu’un seul bon match, contre la Corée. Malheureusement, il ne disputera ni l’Euro 2004 ni la Coupe du Monde 2006, Scolari décidant de se passer de lui pour ces deux compétitions. Vítor Baía a néanmoins un bilan qui parle pour lui : seulement 52 buts pris en 80 sélections, beau ratio.

La renaissance sur les bords du Douro pour le numéro 99

En échec à Barcelone, Vítor Baía réalise un choix fort en janvier 1999 en revenant au FC Porto malgré l’intérêt du Milan AC. Il est accueilli en héros à l’aéroport et revient avec le numéro 99. Pourquoi ? Tout simplement car le numéro 1 n’était pas disponible. Baía proposa donc cela au département marketing pour faire le buzz sur son retour en 99. Buzz réussi puisque nous nous en souvenons encore aujourd’hui aujourd’hui. Cependant, son retour est émaillé par deux nouvelles blessures au genou entre 2000 et 2002. Ce n’est qu’à l’arrivée de José Mourinho en 2002 que le gardien portugais amorce sa seconde jeunesse aux côtés de celui qu’il a côtoyé en Catalogne, considérant le Mou comme “le meilleur entraîneur et le plus complet que j’ai eu”.

La relation entre les deux est pourtant orageuse au départ, Mourinho pointant du doigt la nonchalance légendaire de Vítor Baía, une manière pour le technicien de piquer l’orgueil de son portier pour mieux s’appuyer sur lui, et ça marche ! C’est en 2002-2003 que le gardien évoque le souvenir le plus fort de sa carrière : la victoire en Coupe de l’UEFA face au Celtic Glasgow 3-2 après prolongations. “Gagner un titre européen avec Porto était un rêve que j’avais depuis l’âge de 19 ans. Après une finale aussi folle, l’ambiance était incroyable”. Vítor Baía contribue grandement à ce sacre en arrêtant notamment un pénalty contre la Lazio en demi-finale.

La consécration pour Vítor Bahía, sur le toit de l’Europe (2004) - photo : uefa.com
La consécration pour Bahía, sur le toit de l’Europe (2004) – photo : uefa.com

Néanmoins, le plus beau reste à venir avec la campagne 2003-2004 de Porto en Ligue des Champions. Les dragons avancent dans la compétition avec un réalisme et un jeu huilé à la perfection. Ils éliminent Manchester United, Lyon et le Deportivo La Corogne avant de corriger le Monaco de Didier Deschamps 3-0 en finale malgré Jérôme Rothen, Ludo Guily ou encore Flavio Roma dans les buts. Cela constitue le deuxième quadruplé de suite pour Porto, gagnant également toutes les compétitions domestiques en 2003 et 2004. Vítor Baía est même élu gardien de la saison UEFA en juin 2004 et devient le 2ème gardien à gagner tous les titres européens : Coupe des Coupes, coupe de l’UEFA et Ligue Des Champions. Malheureusement ce n’est pas suffisant pour jouer l’Euro 2004 à la maison…

Lors de cette période, Vítor Baía fait évoluer son jeu en montrant peut-être ses deux plus grandes qualités : son placement, qui lui permet de toujours être placé pour intervenir dans les pieds ou dans les airs, et son charisme qui lui permet de rassurer sa jeune défense lors de ces deux campagnes européennes. Il lui manquera deux choses à la fin de sa carrière: un jeu long aux pieds précis – trop de ballons allant à l’adversaire – ou encore une prise de balle plus solide – trop de ballons repoussés aux poings.

Redonner à sa famille portista

Vítor Baía et son épouse - photo : movenoticias.com
Vítor Baía et son épouse – photo : movenoticias.com

Après 2004, Vítor Baía va faire comme Josef Mlynarczyk avait fait pour lui en 1989. Après avoir remporté le mondial des clubs 2004, il va peu à peu faire de la place à son successeur Helton. Après avoir gagné le championnat en 2006 et 2007, il arrête sa carrière en 2007 avec 34 titres au compteur. Il n’est dépassé que par Ryan Giggs et Dani Alves.

Depuis 2007, il a occupé le poste de directeur des relations publiques du FC Porto et d’ambassadeur de la FIFA. Cependant l´œuvre dont il est le plus fier est sa fondation “Fondation Vítor Baía 99” destinée à venir en aide aux enfants et aux adolescents défavorisés.

Après avoir repassé dans le détail ses 20 ans de carrière, on se rend rapidement compte de l’immense apport de Vítor Baía au football portugais. L’espace de quelques années, il a incarné et insufflé au poste de gardien de but le rayonnement que purent avoir Rui Costa, Figo ou Fernando Couto à leurs postes. Il fait partie des gardiens “modernes”, un peu comme Kahn ou Barthez, qui ont su s’adapter aux changements du poste lorsque la passe en retrait a été interdite. Cette contribution aux épopées de Porto et du Portugal a également constitué un repère pour la génération Cristiano Ronaldo, plus constante dans les grandes compétitions et victorieuse en 2016. Obrigado Vítor.

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photo de ccouverture : aidanwilliamswriter.wordpress.com

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