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27 May 2018


Jouer la finale de la Ligue des Champions est un rêve, longtemps inavouable, pour tout footballeur. Pénétrer dans un stade chauffé à blanc, passer près du précieux trophée tant convoité sans jamais le toucher ni même oser le regarder, dans l’espoir de le brandir en vainqueur et d’entrer dans la légende des plus grands, tel est le nirvana des joueurs et portiers.

Mais une finale de Ligue des Champions, si elle glorifie le vainqueur, peut également sonner le glas des espoirs de victoire lorsque, par son contexte, l’enjeu dépasse le jeu. Loris Karius, gardien du mythique club de Liverpool, l’a appris à ses dépens sur la pelouse du stade olympique de Kiev. Deux erreurs cataclysmiques du portier allemand ont condamné les Reds à regarder Sergio Ramos, Keylor Navas et leurs coéquipiers soulever le précieux trophée, ne laissant aux anglais que leurs yeux pour pleurer, et à Karius la lourde responsabilité d’assumer une performance individuelle inqualifiable à ce niveau, et dramatique pour la suite de sa carrière.

DU RÊVE AU CAUCHEMAR ÉVEILLÉ

Tout avait pourtant si bien commencé. Liverpool tient tête au double-champion d’Europe en titre en première mi-temps et le portier allemand (24 ans) tient parfaitement tête aux attaquants madrilènes s’imposant brillamment sur une tête à bout portant de Cristiano Ronaldo, hors jeu. 0-0 à la mi-temps et dès la reprise, Karius est sauvé par sa barre sur une reprise d’Isco (48e). Le début de la fin car 3 minutes plus tard, le match du jeune gardien des Reds vire au cauchemar. 

Anticipant parfaitement un ballon trop long de Kroos dans sa surface, Karius cherche à vite relancer. Manque de concentration, mauvaise prise d’informations, sa relance est interceptée par Benzema qui n’a eu qu’à tendre la jambe pour couper la trajectoire de la passe. Le portier et ses coéquipiers peuvent s’en prendre à l’arbitre, le règlement UEFA ne les aidera pas : l’attaquant n’a pas gêné sa relance mais bien intercepté une passe mal ajustée. Une relance suicidaire vue sa dangerosité et qui se paye cash à ce niveau. Dramatique pour Loris Karius, d’autant que le score était encore de 0-0. Avait-il encore en tête cette barre transversale salvatrice alors qu’il était pleinement battu, ou serait-ce le coup de coude discret de Sergio Ramos reçu quelques instants auparavant ? On est en droit de le croire tant son erreur laisse deviner un esprit tourmenté loin de la sérénité qu’impose et requiert le rôle de portier. 

Loris Karius gardien de but Liverpool Benzema Real Madrid
Auteur d’une relance improbable, Karius offre l’ouverture du score à Benzema (51e) – source : AP

Heureusement pour lui, la tradition liverpuldienne prévoit que nul ne marchera jamais seul et Sadio Mané, surgissant sur coup de pied arrêté, surprend Navas et remet les équipes à égalité 4 minutes plus tard. Le soulagement qui se lit sur le visage du portier allemand est tel qu’il en est presque inquiétant, mais Karius retrouve un peu d’élan et d’allant en détournant une frappe d’Isco en corner (60e). Pas sûr cependant que ce ballon ait été cadré mais dans le doute, tout le monde le sait, mieux vaut assurer. 

UN PEU PLUS LOIN DES ÉTOILES 

Liverpool de retour dans le match, Karius à nouveau concerné, cette finale semble relancée pour les anglais qui, depuis les tribunes, hurlent leur amour pour le club des bords de la Mersey. Oui mais voilà, Gareth Bale vient d’entrer et compte bien montrer à son coach qu’il ne s’est pas trompé. Un ciseau acrobatique galactique en lucarne (64e) confirmera cette intention. Un but splendide qui n’est pas sans rappeler le geste de Cristiano face à la Juventus de Buffon, ni celui de… Zinedine Zidane lors de la finale 2002 à Glasgow ! 

Sur ce coup là, difficile de critiquer le portier allemand, transpercé par ce missile gallois. Et pourtant, à bien y regarder, si Karius s’élance pour tenter l’impossible, il ne sort pas les bras, s’avouant par la même vaincu et reconnaissant avant l’heure que ce geste de toute beauté est voué à finir au fond de ses filets. C’est alors tel un pantin désarticulé qu’il est aux premières loges pour admirer le chef d’œuvre de Bale. 

Ne le jetons pas (encore) aux lions, car rien ne permet d’affirmer qu’il aurait pu empêcher ce ballon de franchir sa ligne et les Reds lui auraient probablement érigé une statue s’il l’avait fait, mais une main opposée eut été le geste à tenter. Il aurait sans doute pu effleurer le cuir, le toucher, prouvant à tous, adversaires et coéquipiers, qu’il refusait de se laisser porter par l’inéluctable dessin que lui réservait cette soirée. 

LE CALICE JUSQU’À LA LIE 

À l’autre bout du terrain, Keylor “Pura Vida” Navas, décisif en première mi-temps (20e) remercie le ciel lorsque la frappe de Sadio Mané, encore lui, vient heurter son poteau (70e). Cette fois, la coupe est pleine pour les anglais et c’est Loris Karius, encore lui, qui va se charger de la dernière goutte, celle qui fait déborder le vase.

Alors qu’il vient de réaliser un arrêt déterminant face à Benzema pour maintenir les Reds dans le match, Karius perd à nouveau son sang froid et anéantit toute chance de voir son équipe remporter le trophée. Un comble pour un gardien doté des gants “Cold Blooded” de la célèbre marque aux trois bandes ! Cette fois encore, le bourreau est gallois. Libre de tout pressing aux 25 mètres, Bale déclenche une frappe plein axe. La capter ? La repousser ? Le portier allemand hésite et c’est là son erreur face à cette frappe chronométrée à 101 km/h. Le ballon lui glisse entre les doigts et c’est rouge de honte qu’il doit, une dernière fois, ramasser la maudite sphère au fond de ses filets.

Loris Karius gardien de but ligue des champions Liverpool
Auteur d’une nouvelle erreur, Karius condamne Liverpool et sacre le Real (83e) – source : Talksport.com

Une nouvelle erreur, sa seconde dans cette finale, et probablement la plus folle tant la frappe du gaucher madrilène, certes puissante, est dans le champ d’action direct du portier allemand. Si son attitude sur le premier but de Bale est plus ou moins compréhensible, la faiblesse de Karius sur le second est tout bonnement hallucinante à ce niveau, sans compter son erreur sur l’ouverture du score des joueurs Merengue.

ET MAINTENANT ?

D’ange gardien désigné, il est passé du paradis à l’enfer des portiers, celui dont on ne se relève jamais vraiment, car même s’il s’est excusé en larmes auprès des supporters, il ne fait aucun doute que sa performance individuelle, ponctuée de la plus mauvaise note jamais attribuée à un gardien dans l’histoire de Main Opposée, aura un retentissement négatif sans précédent sur la suite de sa carrière.

Lors de cette finale, Karius n’a jamais su tourner la page de ce premier but encaissé, ce saut de concentration que lui-même peine à s’expliquer. Il n’est jamais parvenu à effectuer ce “switch” si cher aux portiers et qui permet, en un instant, d’oublier gloires et déboires d’un arrêt fabuleux ou manqué, maintenant le gardien tourné vers le prochain danger, le prochain arrêt.

Face au Real, il a commis par deux fois l’irréparable et a perdu bien plus qu’un trophée. Son avenir n’est selon toute vraisemblance plus à Liverpool, ni même dans un grand club. Victime de la dure loi des portiers qui ne pardonne point l’erreur, annihilant la confiance d’une équipe, d’un coach, d’un sélectionneur ou même d’un recruteur, Karius restera probablement à tout jamais, et ce sera le MO de la fin, celui qui, lors d’un match capital, s’est complètement loupé.

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photo de couverture : Daily Express

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