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12 May 2017


Grégory Malicki est un passionné. En 20 ans de carrière, il compte à son actif 500 matchs de la Ligue 2 à la Ligue des Champions ; il est élu meilleur gardien de Division 2 en 1999 et quinze ans plus tard, quand il décide de raccrocher les crampons à 41 ans, il est toujours titulaire indiscutable et capitaine du SCO d’Angers. Aujourd’hui, les jeunes gardiens du centre de formation des Chamois Niortais sont heureux de pouvoir bénéficier de ses conseils et de son expérience. Alors qu’il peaufine ses dossiers en vue de l’examen d’entraîneur de gardiens qui aura lieu à partir du 8 Mai, c’est depuis son bureau qu’il répond aux sollicitations de MO.

Main Opposée : Grégory, quel a été ton parcours avant de signer ton premier contrat professionnel ?

Grégory Malicki : A 16 ans je suis entré en sport étude à Créteil. Je jouais en cadet national et en parallèle je m’entraînais avec l’équipe professionnelle qui évoluait en Ligue 2. Ensuite, je suis parti comme 3ème gardien à Sedan pendant trois ans. C’est à Niort, toujours en Ligue 2, que j’ai joué mon premier match professionnel à 22 ans.

MO : Puis tu as joué environ 500 matchs au plus haut niveau. Quels sont les secrets de ta longévité ?

GM : Avant toute chose, la passion ! J’ai toujours travaillé, et davantage encore en vieillissant. Je n’ai jamais géré mes efforts sinon je savais que c’était le début de la fin. A 36 ans, je suis arrivé au SCO d’Angers, un club de passionnés. Il y régnait une superbe ambiance avec de très bons résultats ; ça aide à garder la motivation intacte. J’y ai passé d’excellents moments et je les remercie encore de m’avoir fait confiance à cet âge là.

MO : Pendant ces vingts années tu as côtoyé de nombreux gardiens, lesquels t’ont le plus impressionné ?

GM : A Rennes, Christophe Revault, à l’époque international, était vraiment exceptionnel sur sa ligne. A Lille, Grégory Wimbée utilisait sa grande taille, très efficace dans les duels ! A l’entrainement il prenait très peu de buts, ce qui était motivant pour moi car il fallait que je m’accroche pour essayer d’être à son niveau. Puis toujours à Lille, Tony Sylva était un chat, très tonique, avec une anticipation et une lecture du jeu incroyable. Il avait aussi un jeu au pied remarquable et aurait pu être joueur de champ au niveau national. Vraiment le type de gardien que j’aime.

MO : Mise à part Tony Sylva, quel style de gardiens apprécies-tu ?

GM : J’aime le côté patron, calme, sobre et efficace. Du style Hugo Lloris ou Steve Mandanda. Ils sont propres, réguliers, c’est le haut niveau, magnifique à voir. Evidemment, je suis aussi admiratif d’une carrière comme celle de Buffon, toujours aussi performant à 39 ans, et de Manuel Neuer qui pour moi est le meilleur gardien au monde, le plus complet.

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MO : Tu dois avoir quelques bons souvenirs en mémoire…

GM : Oui bien sur, mes débuts à Niort resteront gravés en moi. Toujours avec les Chamois, en 1998 nous avons éliminé l’AS Monaco de Titi Henry, Trezeguet, Benarbia et Porato en coupe de la Ligue à la séance de tirs aux buts. Ce soir là, j’en arrête trois dont celui de David Trezeguet ! Mais mon plus beau souvenir reste cette qualification en 8ème de finale de la Ligue des Champions à San Siro face au Milan AC avec le LOSC en décembre 2006.

MO : Comment as-tu abordé ce match et comment s’est passé l’après-match ?

On est tous parti jouer là-bas sans pression car on dépendait aussi du résultat des autres matchs, et tout a roulé dans notre sens. C’était historique pour le club. Des supporteurs nous attendaient à l’aéroport, c’est toujours magique ces moments de communions, d’euphorie et d’échanges… Aujourd’hui encore, j’en ai la chair de poule.

MO : Justement, tu n’es plus joueur aujourd’hui mais tu transmets aux jeunes gardiens des Chamois Niortais tes connaissances et ton expérience de vingt années passées au plus haut niveau…

GM : Oui, je suis actuellement en charge des gardiens U17, U19 et CFA2 . J’ai passé mon BEF et je suis en train de finaliser mes dossiers pour passer mon diplôme d’entraîneur de gardiens à partir du 8 Mai.

MO : Comment se passe ce diplôme, as-tu des critiques à formuler sur la formation ?

GM : Non tout se passe très bien. On échange beaucoup lors des rassemblements, que ce soit entre professionnels ou amateurs. On parle de nos méthodes, de nos exercices… Le côté pédagogique est parfait, le retour des intervenants aussi. Les 8, 9, et 10 mai, c’est la certification finale. Je présente une séance d’entraînement puis mon rapport de stage de l’année (qui fait environ 80 pages !), où je parle de mes méthodes, des qualités et défauts de mes gardiens…, rapport que je présente ensuite à l’oral.

MO : Comment sélectionnez-vous les gardiens qui rentrent au centre des Chamois ?

GM :  Il y a une classe foot au lycée de la Venise Verte où l’on supervise les jeunes qui s’y inscrivent. On se déplace également aux stages de Ligues pour détecter de futurs talents. Personnellement, je recherche un gardien à l’aise techniquement, joueur et qui lit bien le jeu. Il faut qu’il me tape à l’œil, que je me dise : “tiens là on peut creuser”. Avec les jeunes j’ai une vision sur deux ou trois ans. Ici, à Niort on me fait confiance, on me laisse le temps et c’est agréable.

MO : La taille fait-elle partie des critères importants ?

GM : Ce n’est pas primordial pour moi. Ce qui compte c’est l’efficacité. Bien sûr, s’il fait 1m70 ça va être compliqué ! (rires) Il faut avant tout un bon ressenti, un bon feeling. Les très grands gardiens sont moins toniques, et paradoxalement ils ne sont pas forcément meilleurs sur les sorties aériennes. Par contre, ils prennent plus de place dans les “un contre un”.

MO : Dans ces “un contre un” que penses-tu du phénomène de la position en “croix”, en “barrage” ?

GM : C’est très intéressant. Quand j’étais plus jeune, j’adorais les sorties où l’on jaillissait dans les pieds. Je trouvais ça beau un gardien qui allait au duel avec l’attaquant. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il y a penalty si tu relâches le ballon. Maintenant les attaquants sont peut-être plus rapides, plus techniques, alors une sortie en “barrage” évite un ballon piqué. En angle fermé, c’est le geste approprié : il empêche la frappe entre les jambes. A la fin de ma carrière j’en ai fait quelques uns… Peut être aussi que j’étais moins tonique, moins vif ! (rires)

MO : Travailles-tu ce geste avec tes jeunes gardiens ?

GM : Oui je m’y intéresse. Je leur apprends surtout à analyser et à s’adapter à la situation d’attaque. C’est le jeu qui guide l’intervention. Si l’attaquant a le ballon dans les pieds, il faut rester en “barrage” sans se livrer, sans se jeter. Par contre, s’il pousse le ballon devant lui, il faut bondir dans les pieds. Benoît Costil est très performant dans ce domaine.

le courrier de l'ouest
Grégory Malicki – photo : le courrier de l’ouest

MO : Qu’est ce qui est le plus difficile à transmettre ? 

GM : Rien n’est facile à apprendre. Le récepteur doit vraiment être concentré et à l’écoute. Chaque gardien est différent, il faut être psychologue. Le plus difficile à transmettre est la lecture du jeu. Quand doit-on anticiper ou non ? Quand doit-on intervenir sur les ballons en profondeur ou aériens ?

MO : Peux-tu nous parler de tes méthodes d’entraînement ?

GM : En dehors des exercices de “terrain” je les emmène faire de la boxe, de la gym ou du cross-fit. Tous ces sports annexes permettent de travailler le cardio, la tonicité, les appuis, la souplesse, l’équilibre, la coordination, le courage, la solidarité. Ils doivent se dépasser, c’est là que tu vois ceux qui lâchent et les leaders, ceux qui prennent la parole, ceux qui encouragent. Le principal c’est le mental. Ils sont demandeurs, ça conforte mes méthodes car pour ces exercices ils sont chauds patates ! (rires)

MO : T’inspires-tu de tes anciens entraîneurs de gardiens ?

GM : Oui de temps en temps. Je reprends un exercice d’Albert Rust qui travaille les réflexes et la vivacité : dans un carré délimité le gardien doit réagir et n’a le droit qu’à un rebond pour capter un ballon venant aléatoirement de tous côtés. Je fais aussi des circuits training avec ou sans ballon, en 30×30, 15×15 ou en échauffement comme Jean-Pierre Mottet à Lille. Et puis je regarde ce qui se fait ailleurs, je m’adapte, j’innove, des fois c’est pourri (j’avoue !) alors je change et je garde le meilleur.

MO : Comment se déroule une semaine pour les gardiens que tu as en charge ?

GM : Les plus jeunes s’entraînent tous les jours en équipe et en spécifique, en plus de leur programme scolaire du lycée. Ceux du groupe CFA2 vont à l’université, ou passent un CAP au sein de la structure Chamois Niortais ainsi que le BMF (Brevet de Moniteur de Football).  Ils s’entraînent tous les jours avec en plus une séance de musculation le mercredi. Evidement, ils jouent tous en match le week-end.

Angers SCO
Photo : Angers SCO site officiel

MO : Que penses-tu de la formation à la Française et quelles sont les différences avec celles de nos voisins ?

GM : Je pense que c’est l’une des meilleures. Les gardiens Français sont performants dans tous les domaines, que ce soit sur la ligne, dans le jeu aérien ou dans le jeu au pied. Les Espagnols ont un profil semblable. Je pense que les gardiens Anglais sont moins à l’aise au pied, moins joueurs.

MO : Le jeu aux pieds des gardiens a-t’il évolué depuis tes débuts ?

GM : C’est sur ! Quand j’ai commencé je pouvais prendre le ballon à la main sur une passe en retrait ! Aujourd’hui, dans mes comptes-rendus de matchs je remarque que nos gardiens touchent parfois 20 ou 30 ballons aux pieds pour un arrêt ou une sortie ! Nous travaillons donc de plus en plus cet aspect lors des spécifiques mais aussi dans les séances de groupes où le gardien participe davantage au jeu d’équipe.

MO : Dans quel club prestigieux as-tu failli signer et pourquoi cela ne s’est pas fait ?

GM : J’ai eu la possibilité de signer au PSG comme doublure de Dominique Casagrande, mais j’ai finalement opté pour le Stade Rennais qui m’offrait une place de titulaire en attendant le retour de blessure de Christophe Revault.

MO : Pour terminer, que dirais-tu aux lecteurs de MO ?

GM : Etre gardien c’est appartenir à une famille. Je trouve ça chouette tous ces jeunes et moins jeunes passionnés par le poste. Il faut continuer à travailler en prenant du plaisir, aller au bout de ses rêves, le foot c’est bien ! Pour les coachs, il faut continuer à transmettre sa passion de façon ludique et joyeuse.

Propos recueillis par Ronald Bossé à qui l’on souhaite un joyeux anniversaire (10 mai) et la bienvenue à sa fille qui vient de naître (11 mai).

Toute l’équipe de MO remercie chaleureusement Grégory Malicki pour sa bonne humeur, sa disponibilité et lui souhaite le succès pour son examen d’entraîneur de gardien ainsi que beaucoup de réussite avec ses jeunes du centre de formation.

 

 

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