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19 November 2018


C’est l’histoire d’un garçon prédestiné à la grandeur, un garçon passionné par le foot et surtout par ce poste si particulier : Gardien de but. Badou Zaki aura franchi les échelons un à un avec une facilité déconcertante, atteignant la gloire lors de la coupe du monde 1986 avec sa sélection marocaine, première sélection africaine à atteindre un deuxième tour d’une coupe du monde, avant d’aller vivre un idylle sur l’île de Majorque.

Jeunesse et début

Badou Zaki est né le 2 avril 1959 à Sidi Kacem, au Maroc. Il emménage très tôt avec sa famille à Salé, ville côtière séparée de la capitale Rabat par le fleuve Bouregrag, après la perte de son père alors que le jeune Badou n’avait alors que 6 ans. Une perte qui l’aura marqué et qui le rapprochera toujours plus de sa mère, admirant la force de cette femme seule élevant ses 4 enfants.

Dans les arcanes d’un pays en pleine construction, les rues marocaines étaient bardées de jeunes jouant au football. Zaki était de ceux-là et jouait déjà sous les bois, comme il le raconte si bien : « Je pense qu’avant ma naissance, quand j’étais encore dans le ventre de ma mère, j’étais déjà gardien de but. Quand je grandissais, quand j’ai connu le football pour la première fois, personne ne m’a jamais forcé à aller au but, j’y allais moi-même parce que j’aimais le poste, et donc, à chaque fois que je jouais dans la rue avec mes amis, j’étais gardien. Depuis tout petit, tout ceux qui me voyaient me prédisaient un grand avenir à ce poste. »

Et gardien, il le sera. En 1976, à l’âge de 16 ans, il intègre l’équipe juvénile de l’ASS, Association Sportive de Salé. Il est rapidement repéré par les recruteurs du club le plus titré sur la scène nationale marocaine et l’un des pôles de la grande ville de Casablanca, le Wydad AC. Les négociations se dérouleront dans des conditions plutôt atypiques pour l’époque, puisque c’est la mère du joueur qui se présente devant le président du club, le défunt Abderazak Mekouar.

« Pendant mes 4 première années, j’étais encore jeune, je ne savais rien du tout et ma mère s’occupait pour moi des négociations. Après ça, une fois coutumier des arcanes du football, j’ai pris le relais. »

 

Zaki ne s’occupait que du terrain, et cela lui réussissait bien. Il lui suffira d’une seule année avec les jeunes du Wydad pour être propulsé gardien numéro 1 en 1978. Une première saison réussie avec à la clé un doublé championnat-coupe et les portes de la sélection qui s’ouvrent pour le jeune prodige.

En 1985, le défunt Jean Vincent rejoint les rangs du Wydad comme entraîneur. Il est immédiatement sous le charme du portier marocain : « J’ai connu Nkono du Cameroun et je pense que Zaki est plus fort et qu’il est le numéro 1 en Afrique. Il mériterait, pour ma part, d’opérer dans une grande équipe européenne. Ses principales qualités, parce qu’il a toutes les qualités requises d’un grand gardien, sont surtout sa présence athlétique, une présence rassurante pour ses partenaires. Quand il joue derrière la défense, celle-ci joue avec confiance, ce qui leur permet de se sortir de situation extrêmement difficile. J’ai pu voir des matchs de coupe d’Afrique, j’ai vu la préparation pour la coupe du monde, Zaki est un grand gardien. »

La conquête de l’Europe viendra par la suite pour Badou Zaki. Après une première tentative d’exil en Allemagne, à destination d’Hagen, avortée par l’appel de son club, il restera encore 2 années, jusqu’à la coupe du monde 1986. Auréolé d’un nouveau titre de champion, son deuxième personnel, il s’en va à la conquête du monde avec sa sélection. Il avait connu avec cette dernière deux défaites en demi-finales de la CAN, en 1980 et début 1986. Un groupe autour de son gardien capitaine s’était forgé.

Mexico 86, à jamais les premiers

Le monde retiendra de cette coupe du monde Maradona : son génie, son vice et sa grandeur. Le Maroc en retiendra une autre image. Dans un groupe où personne ne donnait la moindre chance au Maroc (Pologne, Angleterre, Portugal), les ouailles de José Faria réussiront un exploit.

Capitaine du Maroc à la Coupe du Monde 1986, Zaki va se révéler aux yeux du monde (source : Telquel)
Capitaine du Maroc à la Coupe du Monde 1986, Zaki va se révéler aux yeux du monde (source : Telquel)

« Le match, ou plutôt la mi-temps la plus difficile de ma vie fut celle contre la Pologne. Il y avait une certaine pression et des attentes émanant de mes amis, de ma famille, du peuple marocain en entier. Je voulais prouver au monde qu’il y avait un gardien africain, arabe qui pouvait rivaliser avec ses congénères européens. On ne le voyait pas à la télé, mais moi j’étais très tendu. À la fin de la mi-temps, en voyant comment mes coéquipiers jouaient, sans qu’on puisse sentir de différence de niveau avec notre vis-à-vis, je me suis libéré et j’ai joué comme d’habitude, un match comme les autres. » – Badou Zaki –

Une défense de fer autour d’un gardien héroïque, deux matchs nuls 0-0 lors des deux premiers matchs contre la Pologne puis l’Angleterre, et une victoire mémorable contre le Portugal (3-1) pour passer au deuxième tour en tant que leader. L’histoire est écrite, la première équipe africaine et arabe à atteindre le deuxième tour d’une coupe du monde sera pour toujours le Maroc de Badou Zaki (mention spéciale à l’Algérie, qui, en 1982, aurait dû se qualifier sans un match tristement célèbre,  le « match de la honte » : RDA – Autriche). En 1/8ème de finale, face à Zaki et ses partenaires se présentera la République Démocratique d’Allemagne, briseur de rêve par excellence.

Grandeur et décadence

Rummenigge se rappelle-t-il d’un match qu’il aura joué contre un gardien plus que face à une équipe ?

« Oui je m’en rappelle. J’avais un problème de muscle dans ma jambe, avant que je n’ai cet opportunité de marquer. Le gardien apparaît de nul part est fait un gros arrêt. Je me rappelle surtout quand Lothar Matthäus dépose le ballon devant lui, la cage paraissait très petite et j’étais à deux doigts de lui demander de ne juste pas tirer, les buts étaient trop loin. Heureusement je ne l’ai pas fait et il marque un fantastique but qui nous permet de remporter la partie. »

La différence (physique ?) se faisant ressentir par moment, Badou Zaki aura permis à son équipe de rester en vie dans ce match, jusqu’à ce coup franc de Matthaüs. Surpris par un joueur marocain qui quitte le mur juste avant la frappe, il voit le ballon trop tard et n’arrive pas à le rattraper. Le rêve s’achèvera là.

L’Europe, enfin !

Badou Zaki rejoint alors l’Europe et les rangs du Real Club Deportivo Majorque. Il y restera 6 années durant en ayant tout vécu ou presque. La relégation au bout de la saison 87-88, la remontée l’année suivante, et le retour en première division glanant le trophée Zamora de la Liga2. Et puis une finale de Copa del Rey, perdue en 1991 face à l’Atletico Madrid.

Capitaine de Mallorca, Zaki s’est illustré par son professionnalisme et l’exemplarité de son comportement, il aura défendu les couleurs du club pendant 161 matchs de championnat, et reste toujours considéré comme un des meilleurs joueurs du club. Il s’est distingué en étant le premier gardien à arrêter un penalty en Espagne à Ronald Koeman, actuel sélectionneur batave et qui était encore considéré comme “infaillible” dans l’exercice jusqu’à ce soir de match au Camp Nou, le 11 février 1990.

Badou Zaki (source : curiosidadesdelfutbol)
Badou Zaki (source : curiosidadesdelfutbol)

Badou Zaki n’aura pas connu de grand succès en équipe lors de sa carrière, mais il aura tout de même réussi à remplir son armoire de consécrations individuelles : Ballon d’Or africain, trois titres de Meilleur sportif marocain, et quatre trophées de Meilleur gardien de but au Maroc. Il a même été auréolé, selon des sondages réalisé par la CAF (Confédération Africaine de Football) et la UAFA (Union des Associations Arabes de Football), du titre de meilleur gardien de but africain et arabe du XXème siècle. Une légende.

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photo de couverture : Telquel

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