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29 March 2019


Gilbert,

 

Nous avons écouté votre débat hier dans l’After sur les combinaisons sur coups de pied arrêtés. Pour parler des stratégies offensives ET défensives, il aurait peut-être fallu donner la parole à un gardien pour qu’il puisse donner son point de vue. Les interventions de Pascal Grosbois et de Jérôme Rothen n’étaient pas inintéressantes mais elles manquaient évidemment d’empathie, car ils ont toujours joué le rôle du tireur et non de celui qui devait défendre. Chez Main Opposée, on a bouilli intérieurement. Voici notre réponse :

Vous parlez des corners rentrants et sortants de manière totalement manichéenne. Daniel vante les mérites des corners rentrants, Jérôme se charge de défendre les corners sortants. Mais où est l’analyse PAR RAPPORT AUX FAIBLESSES DE L’ÉQUIPE ADVERSE ??! L’analyse vidéo est aujourd’hui inhérente au football de haut niveau. Appuyer sur les faiblesses de l’équipe adverse aurait rendu la réponse des intervenants plus juste et plus complète.

Sur les coups-francs décalés qui ne se pratiquent plus, vous oubliez la donnée la plus importante : le gardien. Auparavant, on décalait le ballon et le gardien voyait parfaitement le départ de la frappe. À moins que le ballon ne soit parfaitement placé ou flottant, c’était en général plus facile pour le gardien. Au cours des dernières années, on a vu l’apparition systématique de joueurs offensifs venant se coller au mur afin de gêner la vision du gardien, chose qui ne sera d’ailleurs plus permise à partir du 1er juin 2019.

Laissez-nous vous donner un exemple mathématique, même si nous savons que les statistiques ne sont pas la tasse de thé de l’After.

En combien de temps un ballon frappé de 25m à une vitesse de 100km/h parcourt-il la distance entre le mur et le but ? 0,576 seconde. Cela signifie qu’à partir du moment où le gardien voit le ballon passer au-dessus du mur, il dispose d’une demi-seconde pour prendre l’information, la traiter, se déplacer de 3-4 mètres et faire l’arrêt. En comparaison, en voyant le départ du ballon à 25m, le gardien dispose de 0,936 seconde, ce qui constitue une différence considérable à ce niveau de détail. Si vous souhaitez le détail de ces calculs, nous pourrons vous le donner volontiers.

Vous faites ensuite une parenthèse sur Dani Alves qui s’était couché derrière son mur. La réponse tourne là encore autour du gardien. Mais pour le comprendre, encore faut-il savoir comment un gardien fait pour tenter de voir le départ du ballon. Il y a longtemps, le gardien se plaçait pour que le dernier joueur à l’intérieur du mur ne lui cache pas la vue. Aujourd’hui, des attaquants viennent se coller au mur, obligeant le gardien à tenter de voir le ballon entre les jambes de ses coéquipiers. En agisant de la sorte, Alves cache toute visibilité à son gardien, et c’est peut-être la raison pour laquelle cela n’a été fait qu’une seule fois au haut niveau.

Enfin, vous évoquez un thème que l’on a énormément abordé sur Main Opposée : faut-il ou non mettre des joueurs aux poteaux ?

Il serait bon tout d’abord de clarifier que la décision n’est pas prise par le gardien seul mais de concert par le coach, l’entraineur des gardiens et le gardien lui-même.

Nous nous rappelons tous un certain 12 juillet 98 ? France Brésil, finale de la Coupe de monde.

28e minute : corner de Petit, Taffarel ne met personne au 1er et Zidane ouvre le score de la tête. Rothenho, sélectionneur brésilien, pousse une gueulante depuis son banc de touche : « MAINTENANT TU VAS ME METTRE DES JOUEURS AUX POTEAUX TAFFAREL !!! »

Là, Taffarel se dit “bon, on va arrêter les conneries, on va écouter les bons conseils du coach, on va mettre Roberto Carlos au 1er”. La suite, on la connaît, tête de Zidane au 1er poteau et les Bleus mènent 2-0.

Vous l’aurez bien compris, cet exemple n’est pas unique et il confirme bien que mettre des joueurs aux poteaux ne garantie en rien de garder son but inviolé lorsque le ballon atterrit vers l’un des montants. La réponse est donc peut-être ailleurs. Essayons de voir objectivement les bienfaits de ne pas mettre de joueurs aux poteaux. Nous en voyons 4 :

1) À l’époque, les gardiens mettaient deux joueurs aux poteaux. Aujourd’hui, on ne les met plus aux poteaux mais dans la surface, ce qui nous permet d’avoir une plus grande densité. Ainsi, alors que l’équipe adverse attaque en général à 4, 5 ou 6 joueurs, la défense – on ne compte pas le gardien puisqu’il a un poste particulier – avec deux joueurs de plus, passe aussitôt à 8 ou 9 joueurs dans la surface. Cela offre souvent des situations de 2 contre 1 et donc une plus grande réussite sur les duels aériens, grâce à cette densité. Ce ne sont plus uniquement la taille et le timing qui font la différence.

2) On pourrait nous dire que la densité empêche le gardien de sortir. C’est vrai, et cela aurait été gênant il y a 20 ou 30 ans parce que oui, les gardiens pouvaient beaucoup plus sortir. Mais aujourd’hui, avec les nouveaux ballons, sortir est devenu quasiment impossible. Il n’y a donc aucun intérêt à avoir des espaces pour que le gardien puisse sortir à 8-9 mètres de sa ligne de but. Cela n’a plus d’intérêt puisqu’il est devenu très compliqué pour les gardiens de sortir.

3) Il y a une recrudescence des corners joués “à la rémoise”. On a  souvent eu des situations où le joueur au poteau oublie de monter, le ballon revient et au final, l’attaquant n’est pas signalé hors-jeu et marque. Si le gardien ne met pas de joueurs aux poteaux, il est beaucoup plus simple de faire remonter le bloc quand le corner est joué à deux et de parfois regagner le ballon en mettant l’attaque adverse hors-jeu. Quoiqu’il arrive, cela permet de rendre la tâche de l’équipe adverse plus ardue puisqu’elle doit prendre en compte cette donnée, ce qui évidemment n’est pas le cas lorsqu’un joueur couvre le hors-jeu en étant placé au poteau.

4) Enfin, il faut regarder aussi ce qui se fait au plus haut niveau. Aujourd’hui, si on regarde ce qui se fait en Ligue des Champions, et en observant tous les gardiens des plus grands clubs, il n’y en a presqu’aucun qui place de joueur au poteau.

 

Alors bon, chez Main Opposée, nous ne sommes pas fan de l’argument « ah… tout le monde le fait donc c’est bien…», mais… s’ils ont tous CHANGÉ, peut-être partagent-ils une bonne raison de l’avoir fait ?

Le Président Wilson disait : « Si vous voulez vous faire des ennemis, essayez de changer quelque chose ».

On a bien compris, une fois de plus, que le changement, même argumenté, a bien du mal à être accepté.

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