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27 February 2017


Ce dossier, composé de 3 parties, a pour but de transmettre et de partager cette passion que toi, lecteur de Main Opposée, partages ou découvres. Il décrit les sensations que nous, amoureux de la cage, partageons. Il traitera également des moments magiques, des parades légendaires et des protagonistes qui sont entrés au panthéon de l’art. De la beauté du gardien, de la passion qui les habite, et de l’amour des mains opposées.

Un héros solitaire

L’unique rempart

« C’est notre numéro 1, notre dernier rempart ». Tels sont les mots qui décrivent l’étrange silhouette, se tenant apathique devant le but. Ce fameux ballon que tous s’arrachent, lui le déteste. Une divergence d’esprit, comme une pensée contre-nature. Les joueurs veulent s’approprier le ballon, mais pas lui. Lui, il est l’exception. De par son rôle déjà, il est unique. Dans un sport où les mains sont interdites, le gardien transgresse la plus primordiale des règles. Un hors-la-loi rebelle, mais qui fera office de policier durant toute sa carrière.  Comme un demi-dieu au-dessus des lois.

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Dino Zoff, surnommé SuperDino, et Buffon, surnommé Superman, ces deux surnoms sont un parfait exemple de l’idolâtre qu’on porte aux grands gardiens (Sources : Football-The-Story/FutbolDelOcura).

Le gardien est un mythe, une singularité qui s’élève parmi les joueurs. Déjà à l’entraînement, il est esseulé. Il vit seul et combat seul, s’entraîne seul et triomphe seul. Dans un sport d’équipe comme le football où le collectif prime, le gardien est un bug dans la matrice. Il se perfectionne seul, entouré de ses collègues et entrainé par des anciens gardiens. Il ne quitte ces derniers que pour affronter ses collègues à l’entrainement, livrant des combats acharnés contre les joueurs qui demain seront ses coéquipiers. Mais alors qu’il s’isole la plupart du temps pour se perfectionner, dans l’espoir de devenir un mur sans failles, il abandonne ce costume de héros solitaire pour devenir le général l’espace de 90 minutes. Alors, il devra positionner ses troupes, les rappeler à l’ordre à chaque écart, et créer la plus infaillible des défenses. C’est dans ce paradoxe, entre autres, que repose la beauté du rôle. Alors qu’il est le plus communicatif des siens, il demeure désespérément seul.

Une vision différente

Déjà avant le match, une constante revient : faire le vide. Les consignes de l’entraineur, qui s’éternisent pour les joueurs, durent l’espace d’un instant pour le portier. Alors, durant 90 minutes, il devient comme schizophrène. Il se crée alors un match dans le match. L’équipe et le gardien ne jouent pas le même match, ils n’ont d’ailleurs pas le même maillot. La victoire n’est d’ailleurs pas la même, puisque la victoire du gardien consiste à protéger ses filets. Le but est une offense que le portier fait tout pour éviter : « C’est comme toucher à ta pudeur » disait joliment Gigi Buffon justement. Tel Batman et Gotham, le seul objectif est de garder le score vierge de son côté et de protéger les siens. Et tant pis pour le spectacle.

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Samir Handanovic, surnommé Batman justement (Source :FcInter1908)

Car le spectacle est définitivement différent pour ce dernier. Quand le public s’extasie sur la frappe de l’ailier, ce qui rayonne de beauté est la main ferme, presque apparition divine, du portier. Elle surgit avec autorité, et éloigne le danger. Elle apparait avec grâce, et détourne sans broncher. Comme un symbole, le gardien s’écroule alors. Il vient de donner sa vie pour les siens, l’ultime sacrifice. Il se relève difficilement, souvent avec hâte, de peur de devoir encore une fois s’écrouler pour les siens, ou pire encore, qu’on touche à sa pudeur. Car le gardien n’a d’amour propre que celui de ses filets. Il faut décidément être fou amoureux pour être gardien. Peu comprennent comment l’idée de se faire fusiller durant des heures peut paraître attrayante à ces héros de l’ombre. Peu comprennent l’essence du héros, de la satisfaction de l’ultime sacrifice, et de l’amour irrationnel de ces immenses tiges blanches qu’il protège corps et âme.

L’inévitable désarroi du but encaissé

Cet amour de l’immaculé score vierge, de cette pudeur, de ce filet calme et qui n’a pas tremblé à une seule reprise reste incompréhensible. Quand le spectateur veut voir des buts, cette obscénité païenne qu’il adore tant, le portier veut lui garder son honneur. L’attaquant, comme un jeune fougueux, veut s’essayer à ces pratiques immorales. Le portier est le sage qui l’en empêchera, il a fait vœu de chasteté. Il dévoue sa vie à protéger et servir des maux de ce monde. Le portier empêche le mal, quand l’attaquant désire plus que tout toucher les plaisirs du but. Dans un monde obscur, l’unique lumière est souvent habillée d’une couleur fluo, et veille à sa pudeur. Aussi, lorsque le portier est battu, c’est un sentiment amer qui s’empare de lui. Il sait qu’il devra parfois céder, mais il aimerait tant demeurer invaincu pour toujours. Aussi, à chaque offense de l’attaquant, il s’écroule et regarde, abattu, ce ballon qu’il devra aller chercher dans ses propres filets, comme en deuil.

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Le regard dépité de San Iker, battu à 5 reprises contre les Pays-Bas en Juin 2014 (Source : DailyMail)

Par-dessus tout, gardien est également synonyme d’un mental d’acier. La déception, le déshonneur du but encaissé, doit laisser place en l’espace de quelques secondes à la concentration habituelle. Cette concentration perpétuelle, qui ne doit aucunement vaciller, est primordiale. Tel un combat acharné, l’erreur est synonyme de mort. Chaque tir, tel un coup d’épée asséné violemment, doit être parfaitement paré. Le portier est en constant danger, il n’a pas le droit à l’erreur. L’attaquant, enfant insouciant, est presque appelé à prendre des risques. Il a le luxe de commettre l’erreur, elle ne sera pas fatale. De l’autre côté du terrain, c’est tout l’inverse. C’est surement la beauté du poste, que de ne pas céder une seule seconde à la pression. Beaucoup critiquent le gardien pour son manque d’activité, il est vrai qu’il court le moins. Mais rien n’égale la pression psychologique qui pèse sur le numéro 1.

Et si tout travail mérite son salaire, celui du portier, un acharnement sans relâche et un sacrifice sans égal, est payé en parades.

À suivre…

Lire la 2ème partie ici.

Source de l’image de couverture : Squawka

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