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9 November 2017


L’erreur est le némésis du portier. Dès le plus jeune âge, on apprend à ce dernier qu’il doit avant tout éviter l’erreur. Car si le poste d’attaquant, et dans une moindre mesure celui de joueur accepte l’erreur comme une étape ordinaire vers le chemin du but, le gardien doit lui s’interdire le moindre tressaillement, la moindre hésitation, la moindre erreur. Un interdit nécessaire tant le portier est important pour l’équipe et tant son poste est particulier. Néanmoins, cette peur de l’erreur se caractérise par une certaine dimension analogue à celle du match. Car le portier, plus que l’équipe adverse, affronte l’erreur, la faute, le vice, le mal, dans un combat acharné. Le portier joue toujours plus qu’un match. Son honneur et sa réputation sont menacées dans un combat qui menace de l’anéantir.

Dans cette optique du combat contre l’erreur, il se distingue néanmoins plusieurs points indiscernables d’un point de vue extérieur. Des aspects que nous, portiers, connaissons sur le bout des doigts, mais qui semblent tant intégrés à notre quotidien que nous les ignorons presque. Aussi, le temps est venu de nous pencher sur le combat contre l’erreur, de la banalité des circonstances et du commun dénigrement de la vie du portier.

Un point de vue unique

La perception du portier est clé lorsque l’on s’intéresse aux facteurs d’erreurs. La vision du portier, seul et isolé, se heurte à un terrain rempli d’une vingtaine d’autres acteurs. Feux follets, ils s’agitent dans tous les sens dans un méli-mélo de mélodies qui s’entremêlent. Et là, apathique, se tient un portier qui se doit de faire abstraction de tous ces mouvements. Tant de complexité, tant de joueurs à suivre avec seulement deux yeux. Pire encore, les situations de coup de pied arrêté deviennent un véritable charabia. Déchiffrer la course du ballon entre toutes ces figures se ruant vers vous, et prendre une décision, là, de suite, mille informations qui se ruent vers vous et que faire ?

De Gea en plein milieu du bazar géant qu'est la surface lors du corner. (Keeperportal)
De Gea en plein milieu du bazar géant qu’est la surface lors du corner. (Keeperportal)

Après mûre réflexion, l’erreur devrait être la règle et non l’exception dans ce genre de situations. Des situations qui présentent tant de facteurs mis en jeu en même temps, en un lapse de temps qui requiert une certitude absolue en ses facultés. En réalité, quelque soit le talent, le portier ne peut se permettre de prendre sa tâche à la légère. Aussi, chaque ballon, même le plus anodin devient un véritable défi. L’erreur est si proche, si vite arrivée, si commune que la seule possibilité de l’éviter est de s’employer sur chaque ballon comme si c’était le dernier. Un engagement de tout instant pour soulager le portier de ce danger de tout instant.

Car si le danger de l’erreur surplane en permanence le portier, c’est qu’il est omniprésent. Chaque once de difficulté trouve ses sources dans un élément presque commun du jeu. L’exemple du faux rebond est celui qui saute le plus à l’esprit. S’il est peu présent au niveau professionnel, le faux rebond est l’ennemi de tout gardien ayant joué sur un terrain cabossé. Il transforme la plus facile des balles en un hasard mortel, comme si d’un coup, le sort décidait de s’abattre sur vous. Ce hasard meurtrier se retrouve dans bien des situations qui exposent le gardien. Entre faux rebonds, vision obstruée et déviations incertaines, c’est tout un concerto qui s’accorde pour faire se tromper le portier. Aussi, comment rendre une partition correcte ?

Une ligue d’éléments contre vous

Car si le portier se bat contre l’adversité, il mène ce combat seul contre tous. Comme si les éléments participaient à sa perte, le portier se retrouve trahi par ses plus fidèles soldats. Car malheureusement, si le portier est seul, l’adversité est multiple. Aussi, une erreur trouve en elle mille et une raisons. Cette accumulation de facteurs, oppressant le portier, menaçant le gardien, écrasant celui qui garde les buts ne peut demeurer ignorée. Si l’erreur ne s’excuse pas, elle s’explique par une multitude de raisons, toutes évitables une à une, mais qui deviennent ensemble un gargantuesque labyrinthe qui emprisonne le portier dans ses antres. Aussi, s’extirper de l’erreur devient une tâche herculéenne.

Plus encore que cet ensemble de problèmes, les erreurs deviennent l’inquiétude d’un homme. Là, dans un coin de votre tête, s’installe ce doute ravageur, en perpétuelle expansion jusqu’à devenir le trou noir de votre esprit, aspirant toutes vos pensées. Car si cela n’était pas assez que de combattre les malheurs d’un monde, le portier se rajoute en lui cette inutile difficulté. Comme un paradoxe, la peur de l’erreur la crée justement, en ce qui devient l’apothéose de l’auto-destruction. Si facile à envisager, l’erreur se profile au gardien comme imminente, et le cercle vicieux se crée alors inévitablement. Le chemin du portier se trouve alors rué de multiples embûches, chacune propice au trépas.

Robert Green victime de la malédiction des gardiens anglais : encore un mythe qui doit trotter dans la tête de tout portier anglais.

Une exposition accrue

Néanmoins, il se pose là une question. Si le portier est soumis à tant de facteurs difficiles, les autres joueurs aussi, à moindre mesure, le sont. Aussi, comment expliquer le fait que l’erreur du portier résonne dans les mémoires tel le clairon d’un village ? Le poste de numéro un est en effet soumis à une contrainte supplémentaire à tous les autres. Là où le joueur de champ possède des compères, le portier est aussi seul que l’oasis dans le désert. Il est convoité de tous, l’ennemi de chacun, et surtout terriblement esseulé. Plus qu’un numéro un, le portier devient l’attraction première de toute action dangereuse. Une solitude qui lui vaut d’être surexposé, comme jugé par les êtres de toute une planète.

Plus encore, ce sont les circonstances de l’erreur qui soulignent sa gravité. Lorsque le joueur de champ commet une erreur, il demeure toujours des chances de survie. Mais lorsque le gardien commet son erreur, elle accapare toute l’attention de par ses conséquences. Le portier est damné à jouer avec le feu, et lorsqu’il se brûle, le résultat est toujours infernal. Ainsi, de par la gravité de son rôle, l’erreur du portier éclaire le terrain des feux qu’elle provoque. Condamné à subir les feux des ennemis, le portier ne peut se permettre de commettre l’erreur, sous peine d’allumer les feux qui l’anéantiront.

Casillas après son erreur lors de la Decima 2014, au centre de toutes les attentions. (Crédit : Marca)
Casillas après son erreur lors de la Decima 2014, au centre de toutes les attentions. (Crédit : Marca)

Néanmoins, malgré l’erreur, le portier demeure. Si l’erreur est si spéciale pour le portier, c’est qu’elle représente sa crainte et sa motivation. Une ambivalence complexe qui le pousse alors à se surpasser, infatigable combattant contre l’excitant combat de l’erreur. Souvent, le portier triomphe. Parfois, le portier tressaille. Que faire, sinon accepter l’erreur comme nécessaire ? “L’erreur est la vie du portier”  disait David de Gea. Le portier, bien qu’humain, cherche à se transcender afin d’anéantir l’erreur. Anéantir ou se laisser anéantir, un combat de toujours contre l’imperfection. L’imperfection si spéciale qu’est l’existence du portier, à qui incombe la lourde tâche de sauver les siens du trépas. Finalement, le portier n’est qu’une imperfection combattant l’imperfection.

Crédit photo : Youtube

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