Blog


10 May 2018


Au lendemain de la finale de Coupe de France perdue face au Paris-Saint-Germain, Matthieu Pichot et Esteban Sallès, gardien du Vendée Les Herbiers Football en National, ont accepté de répondre aux questions de Main Opposée. Ensemble, ils reviennent sur leur parcours et cette finale qui restera à jamais gravée dans leur mémoire. Bonne humeur, analyses et anecdotes, les deux portiers se livrent, sans langue de bois. Entretien croisé.

Main Opposée : Bonjour Matthieu, bonjour Esteban. Tout d’abord, comment allez-vous 24 heures à peine après cette finale de Coupe de France face au Paris-Saint-Germain ? Quel sentiment prédomine ? La déception d’avoir touché du doigt le trophée ou la fierté d’un parcours épique ?

Matthieu Pichot : Dans un premier temps, on est assez fatigués, on n’a pas beaucoup dormi, on a fait le trajet de Paris à Béziers directement ce matin pour notre prochain match de championnat (vendredi, ndlr), on est en train de bien récupérer. Après honnêtement, le sentiment qui prédomine c’est quand même un sentiment de fierté. Notre parcours est vraiment honorable, on méritait d’être en finale parce qu’on a quand même gagné les matchs qu’il fallait, mais c’est surtout une fierté d’avoir pu emmener ce peuple vendéen en finale à Paris avec nous.

Esteban Sallès : C’est plus une immense fierté qu’une tristesse. Y a pas de tristesse à avoir, on a quand même été en finale de Coupe de France ! Pour un club de National c’est quelque chose qui n’arrive vraiment pas souvent. Donc vraiment énormément de joie, de bonheur, les yeux pleins d’étoiles, plein de souvenirs, et c’est que du bonheur. On essaie d’en profiter encore un peu en regardant les vidéos, les trucs comme ça, mais il va falloir faire abstraction de ça et se concentrer pour le match qui arrive vendredi.  

MO : Quelle a été votre première impression en entrant sur la pelouse ? Cela doit être impressionnant de jouer face aux stars du PSG, qui plus est au Stade de France devant 80.000 personnes quand on est habitué à des affluences plus faibles en National.

Matthieu Pichot : Non, c’est sûr, on n’est pas habitués à cela, même si à La Beaujoire on avait eu un bon avant-goût, mais le Stade de France c’est quand même un stade mythique qui fait près de 80.000 places, c’est immense, mais c’est que du bonheur. Franchement, c’était merveilleux de jouer devant autant de monde et on avait quand même beaucoup de monde derrière nous, donc franchement c’était magique.

Esteban Sallès : Ce qui était impressionnant c’est qu’il y avait du monde, mais encore plus impressionnant, c’est que tout le virage derrière le but de Pich’ était vraiment rouge presque jusqu’à la moitié de la tribune en face et ça, autant de rouge et noir pour nous supporter, c’était vraiment impressionnant, mais vraiment. On s’est dit : “Ah ouais quand même ! Ils sont quand même venus grâce à nous et à cause de nous.” C’est vraiment un beau moment.

MO : Quelle différence y a-t-il entre fouler la pelouse pour la première fois la veille du match malgré le stade vide et entrer dans un stade plein au moment du coup d’envoi ?

Matthieu Pichot : C’est une sensation qui est différente en fait, parce que quand on y est allés la veille pour l’entrainement, c’est immense, c’est incroyable ! Et puis ce vide, c’est une sensation assez bizarre on manque un peu de repères, mais je trouve que cet entraînement de veille de match est important justement pour prendre un peu ses repères pour le lendemain, mais le soir de la finale, ça n’a rien à voir. Quand on rentre à l’échauffement avec tous les spectateurs, ça résonne dedans et c’est impressionnant. Et puis les Vendéens ont mis vraiment le feu, c’était super !

MO : Matthieu, tu réalises une très bonne performance individuelle récompensée d’un 7 dans nos colonnes. Quelle est aujourd’hui ton analyse sur les deux buts encaissés, notamment l’ouverture du score de Giovanni Lo Celso ? Avec un peu de recul, aurais-tu fait quelque chose différemment sur ces actions ?

Matthieu Pichot : Lo Celso, je savais qu’il avait un super pied gauche. Il rentre sur son pied gauche à l’entrée de la surface, il fait plusieurs feintes, je sais qu’il va frapper à un moment ou à un autre mais je n’ai pas envie d’anticiper vraiment côté ouvert où il a frappé, de peur qu’il croise après sa frappe. Il y a un petit peu de monde devant moi donc je suis un petit peu masqué et il enroule super bien son ballon. Après, avec le recul, j’aurai pu me dire qu’il y avait de grandes chances qu’il tire de ce côté-là vu qu’il est dans le déplacement, donc j’aurai peut-être essayé d’avoir cette micro-seconde d’avance en anticipant dans ma tête ce côté-là pour éventuellement la sortir.

Sur le deuxième but, je suis extrêmement surpris que Di Maria arrive à faire cette passe-là, dans un mouchoir de poche. Il arrive à trouver Cavani, je pense qu’il va frapper directement donc je me jette pour aller à l’encontre du ballon et finalement il arrive à toucher un petit peu le ballon avant moi, et puis après je fais faute quoi. Et puis le penalty, je pars du bon côté, malheureusement il tire super fort et assez bien, je la touche, mais … J’étais un petit peu frustré de ne pas l’avoir sorti quand même.

MO : Tu n’as pas craint d’être expulsé sur cette action ?

Matthieu Pichot : Honnêtement non, parce qu’il me semble que la double sanction carton rouge – penalty n’existe plus, donc je me dis qu’il va me mettre un jaune, c’est normal, je serre la main à l’arbitre et puis voilà on n’en parle plus.

Même s'il a finalement céder sur un penalty de l'uruguayen, Matthieu Pichot aura fait vivre une dure soirée à Edinson Cavani - source : La Dépêche
Même s’il a finalement céder sur un penalty de l’Uruguayen, Matthieu Pichot aura fait vivre une dure soirée à Edinson Cavani – Source : La Dépêche

MO : Et toi Esteban, tu l’aurais arrêté le penalty de Cavani ? (rires)

Esteban Sallès  : (rires) On avait notre petite combine avec notre coach des gardiens, mais franchement…. il plonge, il aurait arrêté le tir des trois-quarts des joueurs de Ligue 1 avec ce plongeon, mais là, les joueurs du PSG font partie de l’autre quart de Ligue 1 et ils sont clairement au-dessus du championnat français. Après, il n’est pas loin… Mais s’il la sort, on peut lui faire une statue et je pense qu’à la fin, il y aurait eu un coup de pied arrêté et il aurait marqué c’est sûr ! (rires)

MO : Esteban était titulaire au début de votre parcours. A quoi ce changement de titulaire en cours de compétition est-il dû et comment a-t-il été géré ? N’est-ce pas difficile de commencer une compétition et de voir son coéquipier prendre la suite alors que tu avais été très performant lors des 7e et 8e tour ?

Matthieu Pichot : J’étais blessé entre mi-octobre et mi-décembre, pendant toute la période des premiers tours de Coupe de France. Je suis revenu pour les deux derniers matchs de championnat du mois de décembre, et après en 32e de finale, le coach avait décidé de me mettre aussi en coupe. Je pense que ça a été difficile pour Esteban, même s’il ne l’a en aucun cas montré. C’est quelqu’un de très bien, très respectueux, un super mec qui m’a toujours accompagné sans jamais montrer d’état d’âme et c’est génial pour celui qui a joué, en l’occurrence moi, d’avoir un mec comme ça, surtout qu’on a vraiment eu du mal à passer les premiers tours et Esteban a vraiment fait des supers matchs, et sans lui on ne serait pas là.  Cela fait quasiment deux ans qu’on est ensemble, et maintenant ça dépasse le cadre du foot, on est devenu de bons amis, on a la même mentalité, le même état d’esprit…  C’est rare de trouver des personnes comme ça dans le foot. On travaille tout le temps ensemble, on a nos entraînements spécifiques, et je n’oublie pas aussi Jean Louvet, notre 3e gardien avec qui on s’entend très bien et qui est un très bon gardien aussi. On est vraiment trois gardiens qui s’entendent très bien et qui travaillent ensemble avec plaisir.

Esteban Sallès : Il ne faut pas se le cacher : au début, ça a été dur, surtout que moi, quand il y a un truc qui va pas, ça se voit à 10.000 sur ma tête, notamment la première semaine. Mais ça reste du foot et quand tu vois que tu passes un tour, deux tours, t’arrêtes de penser à toi, tu ouvres plus les yeux, tu essaies de profiter du moment, mais après une semaine, c’était réglé. C’est sûr que quand tu vois autant de monde, tu te dis “moi aussi j’aimerais bien y être”, mais avec Pich’ et le coach des gardiens qui a fait vachement attention à ça, à ce qu’on profite énormément de façon à ce que même si on ne jouait pas, même si on était pas directement impliqué, qu’on profite à travers Pich’, à travers tout le monde et ça c’était important. Honnêtement, à la clé, je ne regrette rien. Je ne vais pas dire “c’est pas la mienne, donc je vais pas profiter”, pas du tout. J’ai énormément profité quand j’ai joué, après ils ont mis Pich’ et j’ai énormément profité depuis le banc. Il y a quelques années, j’aurai peut-être réagi différemment, maintenant je sens que j’ai un peu grandi aussi par rapport à tout ça, et ça m’aide aussi à passer outre les trucs comme ça. Et puis le fait qu’on s’entende super bien aide aussi, parce que quand ils ont mis Pich’ pour jouer, direct il savait que ça me faisait chier et je lui ai dit. C’est ça qui est bien car on peut se dire les choses, que ce soit les choses positives ou négatives. On se dit les vérités en face tout simplement. Déjà qu’on est de très bons amis, cela consolide les liens aussi je pense, donc c’est important. Après, admettons que je ne m’entende pas du tout avec lui, j’aurai peut-être réagi différemment, mais au-delà de l’amitié qui nous lie, c’est un numéro 1 qui bosse tous les jours de la semaine pour justifier son statut. Ce n’est pas un numéro 1 qui ne fait pas tous les exercices parce qu’il est fatigué, parce que ci, parce que ça… Sur ça, il est exemplaire et c’est bien aussi pour nous d’être tout le temps avec lui à ses côtés à se cramer dans le but, et ça c’est bien. Il sait ce que c’est d’être numéro 2 et il se comporte comme un numéro 2 alors qu’il est numéro 1.

La confrérie des gardiens du Vendée Les Herbiers Football
La confrérie des gardiens du Vendée Les Herbiers Football – Source : Ouest France

MO :  Thierry Anti, coach de l’équipe de handball de Nantes, vous a rendu visite avant la finale lors de votre préparation au Centre Technique Nationale de Clairefontaine. Quels conseils vous a-t-il donnés ?

Matthieu Pichot : Déjà on le remercie de nous avoir donné un peu de son temps, car il est beaucoup pris. C’est un mec qui côtoie tous les jours le très très haut niveau. Il joue la Ligue des Champions, il gagne des coupes, etc.. et il a rejoint un peu ce que nous disait le coach Massala, à savoir qu’il  fallait, vu qu’on savait qu’on allait quand même pas mal défendre, qu’on le fasse collectivement, que chacun soit concentré et s’occupe de sa zone un peu comme au handball, et de ne pas en faire plus.

MO : Avez-vous une anecdote pré-finale à nous raconter ?

Matthieu Pichot : On était vraiment excités de s’entraîner à Clairefontaine et, malgré que l’entraînement soit très soft vu qu’on ne pouvait pas trop s’entraîner car on avait joué 48h avant et qu’on rejouait 48h après, Esteban et Jean voulaient absolument faire un spécifique et plonger un peu dans tous les sens à Clairefontaine alors notre entraîneur des gardiens les a pris et les a fait un peu plonger pour leur faire plaisir. On a profité de l’endroit et de ces supers terrains, c’est un cadre fantastique.

Esteban Sallès : Sur Pich’ ? C’est l’habitude quand on le côtoie tous les jours, mais quand il mange, il ne s’occupe pas de son assiette. Il regarde tout le temps autour de lui et il parle. Et il fait des mouvements avec ses bras, c’est bizarre. (rires)

Matthieu Pichot : En fait, on a une petite anecdote où, avec Jean et l’entraîneur des gardiens, on s’est tous lancés des défis les uns les autres et des petits gages à faire. Ils ont tous été relevés et plus que relevés, avec brio, mais on ne peut pas en dire plus. (rires)

MO : Quel souvenir garderez-vous de cette folle épopée entamée le 11 novembre à Balma (National 3) ?

Matthieu Pichot : C’est l’histoire de tout un groupe. Honnêtement, je ne pense pas qu’on puisse arriver en finale de coupe ou même aller loin en coupe sans avoir un super groupe. Après, l’épopée, c’est l’engouement qui a pris tour après tour auprès des Herbiers dans un premier temps, puis de la Vendée. On a eu vraiment toute la Vendée derrière nous et quand on voit le nombre qui s’est déplacé au Stade de France, c’était magnifique, donc on retient vraiment cette image-là d’avoir fait déplacer toute la Vendée, ou du moins une bonne partie de la Vendée à Paris et au Stade de France. A titre personnel, il y a eu ce moment avant la séance de tirs au but face à Lens. C’est Anthony Corre, notre coach des gardiens qui m’avait concocté ça. Il nous avait demandé dans la semaine qui étaient nos gardiens préférés, on savait pas pourquoi, on pensait qu’il nous demandait ça juste comme ça, et en fait c’était pour préparer une petite vidéo d’arrêts de penalties parce qu’il était persuadé qu’on irait au moins aux tirs au but. Son but était vraiment de m’isoler, de me mettre dans ma bulle pour oublier la pression de l’enjeu, et ça a bien marché !

Esteban Sallès : D’abord mon match contre Balma justement, parce que je fais un bon match avec mon ancien coach des gardiens à Tours qui était venu me voir. Après, la séance de pénos de Lens, la boule au ventre que j’avais pendant le match de Chambly alors que j’étais sur le banc. Le match était ultra long alors que contre les autres non. Il y a aussi quand les joueurs sont rentrés au Stade de France, j’ai eu un frisson, et puis La Marseillaise.

MO : Et serrer la main du Président de la République, ça fait quoi ?

Esteban Sallès : Déjà moi, j’ai gainé la main parce que je savais qu’il a une sacrée poigne donc j’avais pas envie de me faire casser les doigts parce qu’il reste quand même quelques jours d’entraînement. Après, j’ai gainé le bras parce qu’il faisait que me tirer vers lui, et non, franchement c’était trop bien. Déjà La Marseillaise, c’est un moment où t’es un lion, et après serrer la main de Macron, c’est pas mal. En plus derrière lui, y a Nasser Al-Khelaïfi et aussi Jean-Pierre Papin, mais c’est limite si je ne l’ai pas calculé parce que dans mes yeux je voyais le Président et Nasser. C‘est vraiment pas mal !  

MO : Qui a eu vos maillots ? Avec qui les avez-vous échangés ?

Matthieu Pichot : Je vais te surprendre, mais je n’ai pris aucun maillot. J’étais en zone mixte assez longtemps après le coup de sifflet final et quand je suis arrivé, pas mal de joueurs étaient déjà dans le vestiaire parisien et ils ont pris beaucoup de maillots. Du coup, j’ai demandé celui de Trapp, il l’avait déjà donné, mais, encore une grande preuve de la gentillesse d’Esteban, il en avait récupéré deux d’Aréola et il m’en a donné un.

Esteban Sallès : Qui a eu mon maillot ? Mon père ! (rires) Et le deuxième, je pense que je vais l’encadrer par là. Personne n’a eu nos maillots et c’est très bien comme ça, comme ça je garde tout.

MO : Que peut-on vous souhaiter pour la suite, tant collectivement qu’individuellement ?

Esteban Sallès : Déjà se maintenir vendredi. Ensuite, ce serait encore plus beau si on jouait l’un contre l’autre. On se fera des passes comme ça, en dégagement. Sinon, vu les circonstances, j’aimerais bien qu’on se joue en Coupe de France l’année prochaine, moi aux Herbiers s’ils veulent encore de moi, et Pich’ en Ligue 2 ou en Ligue 1, en tout cas je lui souhaite.

Matthieu Pichot : De faire encore plein d’arrêts dans les saisons à venir et d’avoir de beaux challenges. On est des compétiteurs et on veut toujours aller le plus haut possible avec Les Herbiers ou… on verra bien. Mais le plus important là, c’est le maintien. 

 

Toute l’équipe de Main Opposée remercie chaleureusement Matthieu Pichot et Esteban Sallès pour leur disponibilité et les félicite pour leur superbe parcours en coupe de France.

Photo de couverture : Le Télégramme

News Feeds
Rejoins la communauté
Articles récents
Si tu souhaites recevoir du contenu exclusif, souscris à ma newsletter :
Haut de la page
Partages