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3 June 2017


La finale de la Ligue des Champions oppose ce soir la Juventus de Turin de Gianluigi Buffon au Real Madrid, tenant du titre, et son gardien Keylor Navas. Le costaricien, artisan de la Undécima, devint ce jour là le neuvième portier à disputer une finale de la Grande Coupe d’Europe sous le maillot merengue, le septième à la gagner. L’italien, toujours en quête de l’unique trophée qui manque à son immense palmarès, est lui le quatrième gardien de l’histoire à porter le maillot bianconero lors de l’ultime rendez-vous européen de l’année.

Alors que la Juve luttera fino alla fine pour que leur gardien et capitaine puisse soulever le Graal pour la troisième fois de l’histoire du club piémontais, le Real tentera de conserver son titre et asseoir un peu plus son autorité au palmarès de la compétition. Un héritage difficile à porter pour Gianluigi Buffon, élogieux pour Keylor Navas, dans la lignée des gardiens de la Juventus et du Real Madrid qui, avant eux, disputèrent la finale de la la Ligue des Champions.

Main Opposée vous emmène sur les traces de ces glorieux anciens de la Juve et du Real, vainqueurs et vaincus qui ont défendu les couleurs de leur club et fait l’histoire de la finale de la Ligue des Champions.

 

Gianluigi Buffon, le poids du passé

Seuls deux gardiens de but de la Juventus peuvent se vanter d’avoir remporté la Ligue des Champions et malgré deux finales disputées, Gianluigi Buffon n’est pas de ceux-là. Comme son idole avant lui, il a pris part à deux finales, mais comme son idole avant lui, il a échoué par deux fois. Dino Zoff fut en effet le premier portier piémontais en finale.

Le 30 mai 1973, au Stadion Crvena Zvezda de Belgrade, la Juventus Turin défie le double tenant du titre, l’Ajax Amsterdam d’un certain Johan Cruijff. Dino Zoff rate son entame et s’incline dès la 4e minute sur une tête de Johnny Rep. 1-0, le score ne bougera plus et Čestmír Vycpálek, l’entraineur de la formation turinoise, fait porter le poids de la défaite au portier italien en qualifiant de stupide le but encaissé par son gardien.

10 ans plus tard, le 25 mai 1983, Dino Zoff pense tenir sa revanche et pouvoir ramener à Turin le titre européen. Mais face au Hambourg SV, il cède à nouveau d’entrée (9e) et voit lui échapper le trophée tant désiré pour son 476e et dernier match sous le maillot de la Juve, un an après avoir offert à l’Italie sa 3e Coupe du Monde. La Juventus devra encore patienter pour triompher, mais SuperDino ne remportera jamais la Coupe d’Europe des Clubs Champions.

30 mai 1973, Belgrade. Johnny Rep marque de la tête (4e). Dino Zoff ne gagnera jamais la Coupe d'Europe - photo : Voetbal International Goal
30 mai 1973, Belgrade. Johnny Rep marque de la tête (4e). Dino Zoff ne gagnera jamais la Coupe d’Europe – photo : Voetbal International Goal

Zoff retraité, c’est à Stefano Tacconi que revient la lourde charge de protéger la cage piémontaise le 29 mai 1985 au stade du Heysel à Bruxelles. Dans une finale qui restera à jamais marquée par la mort de 39 personnes dans de violents affrontements peu avant la rencontre, Platini bat le gardien de Liverpool Bruce Grobbelaar sur penalti. Auteur d’un clean-sheet, Sergio Tacconi devient le premier gardien turinois sacré, le seul à ne pas avoir connu la défaite en finale.

Deux finales en trois ans, la Juventus Turin change de cycle. Après dix ans d’attente et protégés avec maestria par Angelo Peruzzi, les bianconeri atteignent la finale trois années de rang. Le 22 mai 1996, Cinghiale (le sanglier, en italien) sort le grand jeu lors de la séance de tirs au but. Au stade Olympique de Rome, Peruzzi bat l’Ajax d’Amsterdam à lui tout seul en repoussant les tentatives d’Edgar Davids et de Sony Silooy. Sacré pour la première fois, Peruzzi perd les deux finales qui suivent : à Munich contre le Borussia Dortmund (1-3) le 28 mai 1997, puis à Amsterdam face au Real Madrid (0-1) le 20 mai 1998 aux côtés d’un certain Zinedine Zidane, aujourd’hui entraîneur du club merengue. Trois finales d’affilée, personne n’en a disputé autant dans les buts de la Juventus mais une seule victoire, Peruzzi ne dépassera pas Tacconi.

Gianluigi Buffon jouera ce soir sa troisième finale de Ligue des Champions, 14 ans après la première. Le 28 mai 2003, l’italien vit un vrai cauchemar au Théâtre des rêves de Manchester. Après un match nul 0-0 face au Milan AC, il repousse les tirs au but de Seedorf et Kaladze. La messe semble dite mais alors que Turin croit avoir trouvé l’élu, l’héritier de Peruzzi et Tacconi, les frappeurs turinois échouent par trois fois face Dida. Terrible désillusion pour le gardien turinois qui espérait à 25 ans entrer dans la légende des gardiens bianconeri vainqueurs de la Coupe aux Grandes Oreilles. Plus que son idole avant lui, Buffon devra attendre douze ans pour jouer une nouvelle finale mais ce 6 juin 2015 face à la MSN du FC Barcelone, il doit s’incliner pour la seconde fois (1-3), comme son idole avant lui.

Comme Angelo Peruzzi avant lui, Gianluigi Buffon jouera sa troisième finale. Comme Stefano Tacconi avant lui, il rêve d’être le portier piémontais qui mettra fin à tant d’années de disette et d’illusions déçues. Comme Dino Zoff avant lui, il sait qu’il s’agit probablement de sa dernière chance. Il l’a déclaré hier en conférence de presse : “J’espère que ce Juve – Real montrera que l’histoire peut changer”. Le poids du passé…

 

Keylor Navas, l’élan du passé

Seuls deux gardiens de but peuvent se lamenter d’avoir perdu la Ligue des Champions avec le Real Madrid et malgré une seule finale disputée, Keylor Navas n’est déjà plus de ceux-là. En remportant la Ligue des Champions face à l’Atletico Madrid (1-1, 5 tirs aux but à 3) la saison passée, Keylor Navas s’est rendu digne de la grande lignée des gardiens du Real en remportant la plus prestigieuse des coupes d’Europe, comme six autres portiers avant lui car si la Ligue des Champions est parfois considérée comme le terrain de jeu du Real, c’est avant tout parce que le club madrilène a remporté les cinq premières éditions de la compétition.

Ainsi, c’est le 13 juin 1956 et sur la pelouse parisienne du Parc des Princes que se dispute la première finale de la compétition. Les espagnols, emmenés par leur gardien Juan Alonso, s’imposent 4 à 3 face au Stade de Reims. Un an plus tard, le 30 mai 1957, c’est au stade Santiago Bernabeu qu’on retrouve  Juan Alonso dans les buts du Real Madrid. Devant 124 000 spectateurs, le portier espagnol ne laisse aucune chance aux attaquants de la Fiorentina. Le Real l’emporte 2-0, comme les statistiques du club madrilène et de son dernier rempart : 2 finales, 0 défaite. À 30 ans et plus de 200 matchs avec le Real, celui que les socios surnomment affectueusement Juanito Alonso dispute et remporte, à Bruxelles cette fois, une nouvelle finale. Ce 28 mai 1958, c’est le Milan AC qui pliera en prolongations sur la pelouse du Heysel, 3 buts à 2.

28 mai 1958 : Juan Alonso et la 3e Coupe d'Europe du Real a' la descente de l'avion qui les ramène de Bruxelles - photo : Marca.com
28 mai 1958 : Juan Alonso et la 3e Coupe d’Europe du Real à la descente de l’avion qui les ramène de Bruxelles – photo : Marca.com

Après ce triplé jamais reproduit chez les gardiens et qui semble aujourd’hui inégalable, l’international espagnol (2 sélections) a parfaitement lancer l’histoire des gardiens du Real Madrid en finale de Coupe d’Europe et cède sa place à Rogelio Rodríguez qui reprend le flambeau et, dans la continuité de son prédécesseur, signe un doublé dans les buts du meilleur club du XXe siècle. Le 3 juin 1959, le portier argentin signe un clean-sheet dans l’antre du Neckarstadion de Stuttgart et permet au merengue de s’imposer à nouveau face au Stade de Reims, 2 buts à 0. Rogelio Rodriguez récidive un an plus tard, le 18 mai 1960. Dans la finale la plus prolifique de l’histoire de la compétition, l’argentin encaisse 3 buts, mais le quadruplé de Puskas et le triplé de Di Stefano écœurent Egon Loy, gardien allemand de l’Eintracht Francfort qui voit les hommes de Don Santiago Bernabeu soulever une fois encore le trophée.

Si le Real perd son titre européen la saison suivante, il retrouve la finale de la Coupe d’Europe dès la saison 1961-1962. José Araquistáin, qui gagnera notamment six titres de Liga en 7 saisons, est titulaire dans les buts espagnols au stade olympique d’Amsterdam pour affronter le Benfica Lisbonne, tenant du titre. Le Real veut à tout prix reprendre sa couronne et mène 3-2 à la mi-temps mais les portugais marquent par deux fois au retour des vestiaires puis obtiennent un penalty à l’heure de jeu. Déjà buteur, Eusebio exécute la sentence. 5 buts à 3 pour Benfica, le Real est battu pour la première fois en finale de Coupe d’Europe et son portier José Araquistáin devient le premier gardien merengue à échouer en finale. Le natif d’Azkoitia se verra offrir nouvelle opportunité de soulever le trophée, mais devra d’abord assister deux ans plus tard, impuissant sur le banc, à la défaite en finale du club espagnol.

C’est en effet José Vicente qui affronte l’Inter Milan au stade Prater de Vienne le 27 mai 1964. L’ancien portier de l’Espanyol Barcelone, 3 fois vainqueur d’un trophée Zamora, ne peut rien sur la lourde frappe de Sandro Mazzola, puis s’incline sur un contre d’Aurelio Milani. Le Real revient à 2-1 à 20 minutes du terme de la rencontre, mais Santamaria rate sa passe et offre à Mazola tout le loisir d’ajuster à nouveau le gardien madrilène. Le score n’évoluera plus, le Real est à nouveau battu et José Vicente, 3e gardien de la sélection espagnole, ne sera jamais sacré.

Après deux finales perdues, le Real joue sa 3e finale en 5 ans. Le 11 mai 1966, José Araquistáin, vaincu par Benfica 4 ans plus tôt, ne laissera cette fois pas passer l’opportunité. Le portier merengue est sacré sur la pelouse du Heysel. Malgré l’ouverture du score du Partizan Belgrade, le Real s’impose 2-1 et soulève sa 6e Coupe d’Europe des Clubs Champions, en dix éditions. Le club espagnol est de retour sur le toit de l’Europe et José Araquistáin rejoint ses aînés Juan Alonso et Rogelio Rodríguez dans le lignée des gardiens du Real vainqueur du trophée tant désiré.

S’en suit alors une longue période de disette et il faut attendre le 27 mai 1981 pour voir un maillot de gardien orné du sceau de la Casa Blanca en finale de la C1. Après 15 ans d’absence, c’est à Augustin Rodriguez que revient le privilège de le porter sur la pelouse du Parc des Princes, théâtre du premier sacre madrilène. Mais comme en 1964, ce 27 mai porte l’œil au portier merengue. Face aux anglais de Liverpool, Augustin Rodriguez voit le rêve de La Séptima se briser à 8 minutes du terme sur un but du défenseur Alan Kennedy. Comme José Vicente, Augustin Rodriguez ne remportera jamais le trophée.

La compétition toujours plus relevée, le Real disparaît de la grande affiche pendant 17 longues années. Le 20 mai 1998, l’allemand Bodo Illgner redonne vie à la légende européenne des portiers merengue. Intraitable face à la Juventus sur la pelouse de l’Amsterdam ArenA, il réalise le troisième clean-sheet de l’histoire merengue en finale de C1 et devient le second portier étranger à l’emporter avec le Real Madrid, après l’argentin Rogelio Rodriguez.

Le 24 mai 2000, un jeune gardien espagnol joue sa première finale de C1. À tout juste 19 ans, Iker Casillas fond en larmes sur la pelouse du Stade de France. Auteur à son tour d’un clean-sheet face au favori Valence (victoire 3-0 du Real), il est le plus jeune portier de l’histoire à inscrire son nom au palmarès de la compétition.

24 mai 2000, Casillas peut exulter. À seulement 19 ans et 4 jours, il est le plus jeune portier à jouer une finale et remporter le trophée - photo : AFP
24 mai 2000, Casillas peut exulter. À seulement 19 ans et 4 jours, il est le plus jeune portier à jouer une finale et remporter le trophée – photo : AFP

Deux ans plus tard, le Real veut la Novena. Très doué, mais encore inconstant, Casillas n’est cette fois pas titulaire sur la pelouse d’Hampden Park à Glasgow, mais paradoxalement c’est ce match qui déclenchera en lui ce supplément d’âme réservé aux plus grands portiers. Alors que le Real mène 2-1, Cesar se blesse à la cheville sur une sortie aérienne et ne peut se relever. Celui qu’on appellera bientôt San Iker, sur le banc, cherche des ciseaux pour couper ses manches longues sous les yeux hallucinés de ses coéquipiers. Sollicité d’entrée par Ballack et ses coéquipiers, Casillas réalisent trois arrêts de classe mondiale, galactique même. Le Real remporte sa troisième Ligue des Champions en 5 ans et Iker Casillas partage avec Cesar les grandes Oreilles du neuvième trophée merengue.

Hasard ou coïncidence, c’est un 24 mai, 2014 cette fois-ci, qui voit Iker Casillas rejoindre Juan Alonso dans la légende des portiers merengue triple vainqueurs de la Ligue des Champions. Dans ce qui restera comme la première finale disputée entre deux clubs d’une même ville, El Santo passe une difficile soirée. Coupable sur l’ouverture du score de l’Atletico Madrid, il doit attendre les arrêts de jeu pour voir Sergio Ramos égaliser. Trois buts supplémentaires en prolongation donne la victoire au Real et Casillas peut, en guise d’adieu, soulever le 10e trophée du club merengue. Trois finales et 3 victoires, il est bien l’héritier de Juan Alonso, celui qui avait ouvert la voie.

Le 28 mai 2016, Keylor Navas remporte à Milan la Undécima du Real, encore face à l’Atletico (5 tirs au but à 3). Keylor Navas est alors le 7e portier à soulever le trophée sous le maillot Merengue.

Comme José Araquistáin, Navas disputera ce soir à Glasgow sa deuxième finale de C1. Comme Juan Alonso et Rogelio Rodríguez, Navas tentera de remporter une deuxième Ligue des Champions d’affilée. Comme Iker Casillas, Navas tentera soulever le trophée malgré une saison où il fut parfois vivement critiqué. L’élan du passé…

 

Nouvelle donne ou éternel recommencement ?

3 juin 2017, la Juventus et le Real Madrid se retrouvent en finale 19 ans après la victoire de Bodo Illgner face à Angelo Peruzzi. Les gardiens ont changé, mais pour Keylor Navas et Gianluigi Buffon, héritiers du passé des portiers de leurs clubs respectifs, le défi bien qu’identique sera diamétralement opposé. L’un, costaricien, voudra gagner pour honorer ses glorieux anciens merengue. L’autre, italien, défendra les buts de la Juve pour renverser l’histoire et ne pas finir parmi les damnés de la finale de Ligue des Champions. Réponse ce soir, pour l’éternité.

Photo : AFP
Photo : AFP

phto de couverture : diez.hn

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